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telle ou telle famille bourgeoise disparaît-il rapidement. On a déjà remarqué, pour les Parisiens, qu’il n’existe pas de famille exclusivement parisienne qui remonte à plus de trois ou quatre générations. Il en était déjà ainsi au commencement du dernier siècle ; mais cette infécondité va en s’aggravant chaque jour.

Quelques écrivains ont supposé que cette infécondité des hommes adonnés aux travaux de l’esprit, et possédant une culture intellectuelle supérieure, était la conséquence de leur état social. On a même essayé d’établir une sorte d’antagonisme entre la puissance intellectuelle et la puissance physique. Plus l’intelligence de l’homme se développe, a-t-on dit, moins il est apte à avoir des enfans. Tout se passe comme si la culture de l’esprit anéantissait l’aptitude prolifique. Les hommes de génie, de talent, de mérite, sont inféconds ou peu féconds. Ceux-là seuls peuvent donner naissance à une postérité nombreuse, qui travaillent dans les champs ou dans les ateliers, exerçant leurs muscles et leurs forces physiques, sans épuiser leur vigueur dans les travaux intellectuels.

Peut-être y a-t-il un certain degré de vérité dans cette hypothèse ; peut-être la stérilité des classes supérieures n’est-elle qu’à demi intentionnelle. La question est difficile à décider, et nous n’avons ni la prétention ni l’intention de le faire. Au demeurant, au point de vue de l’ensemble de la population française, cela importe ! assez peu ; car les classes supérieures forment dans la masse de la nation un si petit groupe que l’influence de leur fécondité sur le chiffre total des naissances est à peu près nul.

Pour la petite bourgeoisie, dont l’infécondité est presque aussi grande, on ne peut guère invoquer d’autre cause que l’intention bien arrêtée de limiter le nombre des enfans. C’est par économie, par prudence, pour épargner, à eux-mêmes et à leurs descendans, les soucis et les fatigues d’une vie trop laborieuse qu’ils ont une postérité si restreinte.

Chez les ouvriers des villes, il y a parfois de nombreuses familles ; encore le sont-elles beaucoup moins en France qu’ailleurs, en Saxe, par exemple, en Angleterre. La natalité est cependant moins considérable que dans les campagnes, et elle est compensée par une mortalité excessive. En outre, la proportion des enfans légitimes aux enfans naturels est considérable. Malheureusement, ce ne sont guère que des inductions, et nous ne possédons pas de chiffres précis qui nous indiquent la moyenne du nombre des enfans dans les ménages d’ouvriers. Si l’on pouvait en juger par quelques