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ajoute au lait, qui devait être leur seule nourriture, des alimens solides, qui sont, pour un enfant, une alimentation exécrable. Le fait est que beaucoup d’enfans meurent de faim. Sur cent décès d’enfans nouveau-nés, il y en a au moins quarante dont la cause est un défaut d’alimentation[1].

Il en résulte que, sur les 160,000 décès annuels des enfans au-dessous d’un an, il en est environ 60,000 qui pourraient être empêchés par une alimentation meilleure. Admettons même, pour ne rien exagérer, que les ressources de l’hygiène ne puissent sauver que la moitié de ces malheureux, ce serait toujours un gain annuel de 30,000 individus.

Ce n’est pas ici le lieu d’exposer par quels moyens il sera possible de combattre la mortalité extrême des nouveau-nés. C’est un des points les plus importans, sinon le plus important, de l’hygiène-publique, et qu’on ne saurait traiter à la légère. Bornons-nous à dire qu’il est honteux pour un peuple civilisé de laisser mourir de faim de pauvres êtres qu’il faudrait si peu d’aide pour faire vivre. Un jour viendra peut-être où l’on s’étonnera de notre indifférence en présence d’une telle misère[2].

Que de discussions oiseuses dans le parlement, dans la presse, où la vanité, la passion, l’intérêt, jouent le seul rôle, alors qu’on ne fait aucun effort pour remédier à cette mortalité cruelle des petits enfans !

D’autres causes de mort pourraient aussi être combattues, non tant par la médecine que par l’hygiène. Il est permis d’espérer que l’hygiène publique parviendra quelque jour, sinon à supprimer les maladies infectieuses, au moins à diminuer leur extension[3].

Nous croyons, pour notre part, que toutes les maladies qui se

  1. Pour donner un exemple précis, consultons le Bulletin statistique hebdomadaire de la ville de Paris. Dans la semaine du 24 février au 2 mars 1882, il y a eu 1,337 décès à Paris, dont 200 décès d’enfans au-dessous d’un an, qui sont ainsi répartis :
    Maladies diverses 10
    Maladies cérébrales 40
    Maladies pulmonaires 23
    Maladies infectieuses 20
    Malformation 36
    Insuffisance d’alimentation. 71
    Total 200
  2. Je renvoie à un travail important que M. Le Fort a fait paraître dans la Revue de la Mortalité des enfans (1870).
  3. Pour donner une idée de l’importance des affections contagieuses et infectieuses sur la mortalité générale, voici le bilan des décès dus à ces causes, à Paris, durant une des dernières semaines de 1882 :
    MALADIES INFECTIEUSES.

    Diphtérie 64
    Fièvre typhoïde 36
    Rougeole 23
    Érysipèle 20
    Variole 11
    Coqueluche 5
    Scarlatine 3
    Total 162