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longtemps après. La France ne produit pas assez d’enfans pour se donner le luxe de ces massacres. Il faut que, par la paix, lentement, progressivement, elle répare les pertes que de longues et sanglantes guerres lui ont faites depuis plusieurs siècles.

Mais ce sont là des réformes difficiles ou impossibles, et il vaut peut-être mieux s’occuper de celles qui sont simples. Il en est une que nous signalerons. Quoique le nombre des mariages en France soit relativement assez élevé, il serait bon qu’il fût plus considérable encore. Beaucoup d’unions illégitimes (peu fécondes, comme les statistiques semblent le démontrer, deviendraient légitimes, si les formalités, les longueurs, les dépenses qu’entraîne la célébration du mariage civil étaient supprimées. Or les ménages irréguliers sont beaucoup moins féconds que les ménages légitimes. Que d’avantages, non-seulement pour l’accroissement de la population, mais aussi pour la moralité publique, à rendre plus fréquens les mariages ! Et des mesures très simples auraient cet effet. Il faudrait peu d’efforts pour les imaginer, peu de temps pour les faire adopter.


V

Cependant le mal véritable, c’est la diminution croissante de la natalité. C’est contre ce fléau envahissant qu’il faut réunir tous nos efforts. Il n’est pas de Français aimant sa patrie qui n’ait le devoir de s’en préoccuper ; car, si l’on n’avise pas, si l’on n’arrête pas cette infécondité progressive, c’en est fait de la grandeur de la France.

Nous pouvons admettre comme un fait démontré que la population des villes n’est pas capable, à elle seule, de maintenir le niveau normal de la natalité. C’est la population des campagnes qui, seule, est prolifique. Malheureusement les agriculteurs et les habitans de la campagne émigrent vers les villes.

Est-il possible d’empêcher cet exode, ou, au moins, de le diminuer ? Pour notre part, nous le croyons. Les charges qui pèsent sur les paysans sont énormes. La révision du cadastre et de l’impôt foncier, réforme qui, nous l’espérons, sera bientôt entreprise, montrera à quel point l’impôt frappe lourdement et inégalement sur le paysan. Et que lui a-t-on donné pour compenser ces charges écrasantes ? Presque toutes les améliorations que la science et l’industrie ont apportées depuis cinquante ans à la vie sociale ont tourné au profit des habitans des villes. Les paysans n’en ont bénéficié que dans une faible mesure.

Ils ont payé l’impôt cependant. Non-seulement ils ont donné leur argent, mais ils ont donné à l’état leur temps et leur sang.