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sont identiques, mais dont les charges sont inégales ; et l’état, au lieu de compenser cette inégalité, frappe également celui qui est le plus et celui qui est le moins chargé ! Qui osera prétendre que ce niveau établi par l’impôt direct entre tous les citoyens ne soit injuste à force d’être égalitaire ? Il y a là une iniquité flagrante, et non-seulement c’est une injustice, mais c’est encore une grande faute, car l’individu, chef d’une nombreuse famille, qui est si lourdement chargé d’impôts, est aussi celui qui rend le plus de services à l’état, Avoir beaucoup d’enfans, c’est être utile à son pays : c’est lui donner pour un temps prochain des ouvriers, des laboureurs, des soldats. Les enfans sont l’avenir de la patrie, et voilà la récompense que l’état donne au père de famille ! Plus il sert son pays en ayant une nombreuse postérité, plus l’état lui demande de sacrifices, plus l’impôt indirect grossit les dépenses que nécessitent les nombreuses existences auxquelles il doit suffire.

Nous n’entrons pas ici dans le détail des réformes à tenter, car nous connaissons notre incompétence. Nous voulons seulement établir ce principe : que l’impôt direct payé par le père de famille devrait être proportionnel au nombre de ses enfans. Tel qui n’a pas d’enfans, partant peu de charges, paie moins d’impôts indirects : que les impôts directs le frappent lourdement. Tel autre qui a dix enfans est astreint à des dépenses considérables, et, en outre, il paie un lourd tribut d’impôts indirects. Il faut donc que l’impôt direct l’épargne.

Cette réforme, quel que soit le procédé qu’on emploie pour l’exécution, est juste ; elle est nécessaire ; car c’est pour des raisons économiques que la population française diminue. Si le père de famille voit qu’on diminue ses impositions à mesure que sa famille augmente, il ne sera pas si parcimonieux de postérité et ne fera pas, comme à présent, tous ses efforts pour la restreindre.

Le service militaire, le plus lourd de tous les impôts, pourrait aussi, comme il l’est déjà dans une trop faible mesure, être allégé pour les nombreuses familles. Le chef d’une famille de quatre ou cinq enfans ne pourrait-il être dispensé du service de l’armée territoriale ? L’aîné de quatre ou cinq enfans ne pourrait-il être exempté du service ? Au cas où la famille compterait cinq ou six enfans, ne devrait-on pas se contenter d’en appeler un seul sous les drapeaux ; et, s’il y a plus de six enfans, par exemple, ne pourrait-on leur épargner à tous les charges militaires ? Ne serait-il pas aussi bien urgent de permettre le mariage aux jeunes soldats, aux années où précisément la fécondité est la plus grande ? Ces réformes seraient profitables même à la force militaire du pays. Quelques hommes de moins sous les drapeaux auraient pour la puissance de notre armée moins d’importance que l’accroissement de la population. Assurément, ce