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aujourd’hui, qu’on ne dise pas que ce sont des adversaires qui réclament cette liberté et qu’on ne peut pas leur laisser les moyens de reconquérir un pouvoir, un ascendant dont ils abuseraient encore une fois ! C’est une manière trop commode de se mettre à l’aise, de se dispenser de reconnaître des droits et de déguiser sous des subterfuges de tactique le rétablissement de l’autorisation préalable. La commission de la loi sur l’enseignement secondaire a vraiment des euphémismes qui ne sont pas toujours heureux. M. Mézières, qui n’est pas de la commission, qui faisait l’autre jour son début comme orateur au parlement et qui a parlé avec la distinction d’un lettré, revendiquait l’honneur de défendre la liberté « pour nos ennemis comme pour nos amis, » ainsi qu’il l’a dit. La liberté, en effet, est pour tout le monde ou elle n’existe pas, et M. Mézières était dans la vérité. Eh bien ! c’est sur ce terrain de la liberté vraie et sincère pour tous que les esprits sérieux peuvent se rapprocher. M. Mézières n’est pas le seul de cette opinion dans la chambre ; il y a d’autres députés qui ont les mêmes idées. Ils ont les lumières, la raison, le talent ; ils ne peuvent d’un autre côté être suspects puisqu’ils ont donné des gages aux institutions républicaines. C’est à eux de former dans ce parlement incohérent et divisé le camp de la modération intelligente et libérale, de prouver que la république n’est pas la guerre aux traditions et aux croyances, qu’elle peut réaliser dans ses lois, respecter dans ses actes, ces garanties qui ont été l’honneur de la monarchie constitutionnelle. Ils ne sont qu’une minorité, dira-t-on, ils sont exposés à n’être pas suivis. Ils ne sont aujourd’hui qu’une minorité, c’est possible ; demain ils pourraient être plus nombreux, parce qu’ils seraient l’élite éclairée élevant le drapeau d’un libéralisme rassurant pour tous, représentant la seule politique qui puisse dissiper les obscurités dans lesquelles on se débat et remettre le nouveau régime dans le droit chemin.

Lorsqu’il y a quelques jours une commission parlementaire, — il y a des commissions sans nombre, — portait devant la chambre ces comptes, tant attendus, si souvent réclamés sur l’année de la guerre, sur ces terribles mois de 1870-1871, on ne pouvait se défendre d’une réflexion. Ces comptes, que viennent-ils faire aujourd’hui ? Ils ne sont plus que de l’histoire. Tout a été dit depuis longtemps, toutes les récriminations et les violences sont épuisées, et par le fait, il n’y a pas eu même de discussion. Les comptes sont rentrés dans les archives ; mais de ces événemens présens à toutes les mémoires, toujours accablans pour le pays, quoique déjà vieux de douze années, il reste un enseignement qui ne peut être perdu : c’est que, si on a quelque piété patriotique, quelque souci de l’avenir national, tout doit tendre à confondre les âmes et les esprits dans les mêmes pensées, dans les mêmes sentimens. Or pour réaliser, autant que cela est possible, cette union, quelle