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la fois sans qu’aucune jusqu’à présent ait approché d’une solution définitive ?

La question des conseils d’enseignement a reçu la solution la plus favorable à l’université, qui désormais participe par ses élus à la juridiction disciplinaire exercée sur ses membres ainsi qu’à toutes les décisions concernant les intérêts scolaires. Cette solution serait irréprochable si ces conseils où domine l’enseignement de l’état, ou seul il a droit d’élection ? n’avaient en même temps autorité sur l’enseignement libre, et une autorité tellement étendue qu’elle dispose de l’existence même des établissemens et de tous les intérêts matériels et moraux qui y sont représentés. Le premier usage qui a été fait de cette autorité a montré combien elle est contraire tant aux plus claires notions d’équité et de liberté ; qu’à la dignité même du corps universitaire. N’a-t-on pas vu, en effet, des chefs d’institution, jésuites ou non, condamnés à fermer leurs maisons pour s’être trouvés en désaccord avec l’administration supérieure sur un point de droit très contesté et très contestable ? Et l’énormité de telles sentences n’est-elle pas encore aggravée devant la conscience publique par la présomption de partialité qui pèse sur ceux qui les ont rendues[1] ?

Peut-on davantage considérer comme résolues les questions d’enseignement supérieur, soit dans l’ordre de la liberté, soit dans celui des institutions publiques ? La liberté, si péniblement conquise et si vite entamée, quatre ans à peine après le vote de la loi qui l’avait consacrée, n’a produit, sous le nom de facultés catholiques, que de pâles imitations des facultés de l’état ; elle n’a donné et elle ne promet à la haute culture intellectuelle aucune œuvre originale et féconde[2]. Les facultés de l’état, ont été dotées d’un personnel plus nombreux, et de ressources matérielles plus abondantes. Elles ne comptaient autrefois que des étudians en droit et en médecine ; elles ont désormais, grâce à la création des bourses de licence et d’agrégation des étudians ès-lettres et ès-sciences[3]. Ce sont des progrès sérieux ; mais ils s’arrêtent au seuil des grandes réformes qui paraissaient mûres dès les derniers temps de l’empire. Les facultés attendent toujours et leur autonomie et leur réunion, sous une direction commune, dans de grands centres universitaires

  1. Le nouveau projet de loi sur l’enseignement secondaire libre aggrave encore cette autorité des conseils universitaires.
  2. La seule institution d’enseignement supérieur qui fasse vraiment honneur à l’initiative privée, l’École libre des sciences politiques, est antérieure à la loi de 1875 et ne doit rien à cette loi.
  3. Les heureux effets de cette création ont été exposés ici-même par M. Lavisse. Voyez la Revue du 15 février 1882.