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en lignes blanches qu’on distingue le soir à travers une sorte de gaze rosée d’une extrême délicatesse, tandis que, de tous les autres côtés, à l’est, à l’ouest, des collines dont les pentes viennent mourir sur les rives mêmes du lac, ondulent dans l’air transparent avec une souplesse exquise. Quant à la ville de Tibériade, ce n’est qu’un point perdu au milieu de ce merveilleux tableau : on la distingue à ses pieds, avec des colorations noires et des taches blanchâtres qui lui donnent l’aspect d’un monceau de ruines sur lequel on aurait bâti quelques maisons nouvelles et dont surgiraient encore quelques tours et quelques minarets à demi brisés.

Pour gagner cette ville étrange, il faut descendre à travers les escarpemens les plus raides, au risque de se casser vingt fois le cou contre les rochers. Le sentier circule à travers les pierres, qui, dissimulées sous les fleurs, font glisser les chevaux et courir aux cavaliers les plus sérieux dangers. Mais le spectacle qu’on a sous les yeux ne permet point de songer aux dangers. Plus on approche de Tibériade, plus on est frappé de la beauté d’un site qui est, sans contredit, le plus parfait de la Galilée et sans doute l’un des plus parfaits du monde. Le paysage s’anime d’ailleurs et devient vivant. Des groupes de jeunes filles, enveloppées de longs manteaux blancs, sortent de la ville, soit pour aller à la fontaine, soit, tout simplement, pour se promener dans la campagne. On les voit errer sur la montagne comme des fantômes élégans et légers. Aux portes de Tibériade, on les rencontre encore en plus grand nombre, mais il vaut mieux les apercevoir de loin que de près. Presque toute la population est juive ; or, j’ai déjà dit combien les juifs de Palestine étaient affreux ! Tibériade est entourée d’une enceinte d’environ 1 kilomètre de long, construite en blocs de basalte et flanquée de tours circulaires ; mais toutes ces murailles sont en ruine, et la citadelle qui occupe l’angle nord-ouest des fortifications est dans un pitoyable état de délabrement. Une mosquée, dont le minaret ne manque pas de mérite, tombe également en lambeaux. Le tremblement de terre de 1837 a pratiqué partout des brèches profondes qui n’ont point été comblées. Rien ne serait plus lugubre que cette enceinte défoncée si quelques têtes de palmiers qui la dominent n’en rompaient pas la triste monotonie. Dès qu’on l’a franchie, on s’égare au milieu des plus sales et des plus abjectes ruelles que l’on puisse rencontrer dans une ville d’Orient ; presque toutes les maisons sont peintes en blanc, non-seulement à l’extérieur, mais à l’intérieur, ce qui permet, comme les portes et les fenêtres restent longuement ouvertes, de distinguer très bien ce qui s’y passe. C’est un spectacle tout à fait dépourvu de charmes. Autant Tibériade est pittoresque à distance, autant, lorsqu’on y est, la trouve-t-on horrible, sordide,