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à rappeler que l’Égypte n’a cessé d’être une partie intégrante de l’empire, que la situation de la vice-royauté du Nil est une affaire tout intérieure sur laquelle le sultan seul peut prononcer dans sa souveraineté. Oui, sans doute, le sultan est souverain ou suzerain, personne ne le conteste ; mais il est bien clair, il est bien entendu aussi que la Porte ne peut rien de sa propre et unique autorité, qu’elle ne pourrait même prolonger ou étendre son intervention qu’avec l’assentiment des puissances et que pour l’Europe l’indépendance ou la semi-indépendance de l’Égypte reste sous la sauvegarde du droit public. Il n’y a d’autre ordre légal à Alexandrie et au Caire que l’ordre établi par les traités, par les firmans diplomatiquement enregistrés, par tout un ensemble d’engagemens internationaux. Il s’agit de fortifier cet ordre de choses, de l’entourer de garanties nouvelles, non de l’abolir. M. le président du conseil de France répétait l’autre jour que c’était la condition première des délibérations de la conférence qui va se réunir. Le gouvernement anglais, lui aussi, l’a dit sous toutes les formes dans le parlement comme dans ses dépêches. Le ministre des affaires étrangères d’Italie, M. Mancini, le déclarait hier encore dans un récit un peu extraordinaire des dernières négociations. Tous les cabinets sont d’accord sur ce point. Au fond, la Porte elle-même, malgré ses réserves, n’en disconvient pas absolument. La question est de savoir comment la conférence arrivera à tout concilier en Égypte et comment ses résolutions seront exécutées. Il est certain que si d’une part le problème s’est simplifié en passant des délibérations de deux puissances qui l’ont laissé échapper sous la juridiction de l’Europe, il n’est pas d’un autre côté plus facile à résoudre. Il reste provisoirement une obscurité, un point noir dans l’atmosphère européenne.

Quoi qu’il en soit, on ne peut pas dire que, depuis le premier jour jusqu’au dernier, notre gouvernement ait été, pour sa part, très heureux dans toute cette affaire égyptienne, pas plus qu’il ne l’a été l’an passé dans les affaires de Tunis. Il est trop évident, au contraire, qu’il n’a réussi à rien, qu’il se débat assez tristement dans toutes ces questions de diplomatie, et s’il manque de suite, de netteté, de prévoyance dans ce maniement aussi délicat que compliqué des intérêts extérieurs, c’est qu’il ne sait pas toujours où il en est à l’intérieur. M. le président du conseil se figure peut-être que c’est une politique de rechercher les faveurs d’une assemblée en flattant ses passions et quelquefois ses instincts les plus médiocres. Il croit se créer une force parlementaire, une sorte de popularité en se distinguant ou en se séparant de M. Gambetta, en ralliant autour de lui toutes les hostilités que le ministère du 14 novembre a soulevées à son passage et qui lui ont survécu. Soit ! c’est, à ce qu’il parait aujourd’hui, une mode ou une tactique d’entrer en lutte avec M. Gambetta. L’autre jour, cet antagonisme a éclaté d’une manière presque violente, en plein parlement, entre le président du