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L’ÉPINGLE D’OR


I.


La gouvernante de maître Barbarin, — un petit imprimeur d’une toute petite ville, — s’entendait si parfaitement aux choses du ménage qu’il n’y avait pas une femme qui n’en fût jalouse et, pour ce motif, ne la gratifiât de quelque bon coup de langue, ce qui est excessivement désagréable, comme chacun sait.

On ricanait en la nommant tout bas : « Mme Barbarin. » Et les plus mauvaises insinuaient que ce prétendu neveu que la gouvernante élevait à la brochette dans l’imprimerie de son maître n’était rien moins que le propre fruit de ses œuvres, né d’une collaboration mystérieuse avec ledit imprimeur au beau temps de sa seconde jeunesse. Personne ne l’avait vu ; mais toutes les commères en auraient mis leur main dans le feu. C’est merveille qu’elle ne sente pas davantage le roussi, tant elles l’y mettent souvent et pour des choses moins probables.

Madeleine, la gouvernante, n’en continuait pas moins sa vie de ménagère soigneuse, confectionnant des tisanes pour le vieux bonhomme d’imprimeur et bourrant le petit Augelo de friandises.

Quand je dis petit, c’est pour signifier mignon, délicat, car Angelo courait sur ses vingt-trois ans, il était grand comme une fille qui aurait bien poussé et il portait une fine moustache blonde qui frisotait au bout, retroussée tout juste assez pour qu’on vît les coins fripons de sa bouche. Ajoutez à cela des yeux bleus très doux, la peau blanche, un air de timidité enfantine et vous aurez le portrait