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purifier l'art, ils en étaient arrivés à couper les racines qui le rattachaient à la vie nationale et à en faire l'expression, tout artificielle, des aspirations de quelques initiés.

Ces préjugés ont fait leur temps ; depuis un quart de siècle, une curiosité ardente, parfois même inquiète, s'efforce de mettre en lumière jusqu'aux moindres vestiges de ces industries d'art naguère si dédaignées ; elle a cherché à démontrer, et elle a gagné sa cause, que l'activité plastique d'une race ou d'une société n'a pas toujours trouvé sa formule la plus parfaite dans les prétendues formes supérieures de l'art, la peinture à fresque ou à l'huile, la statuaire en marbre ou en bronze. Plus d'un sculpteur de génie s'est appliqué, en des temps où l'esthétique n'avait pas encore établi une rigoureuse distinction des genres, à ciseler un calice ou un candélabre, à graver ou à nieller une paix, à sertir d'un filet ces merveilleuses intailles auxquelles le moyen âge, séduit par leur beauté, prêtait des vertus magiques. D'autre part, que de services les plus grands peintres n'ont-ils pas demandés à ces modestes auxiliaires s'appelant tapissiers, verriers, émailleurs, céramistes ! Avec quel amour n'ont-ils pas travaillé en vue de procédés propres soit à multiplier leurs compositions, soit à leur donner un éclat, ou une souplesse, ou une inaltérabilité supérieurs à ceux des fresques ou des tableaux ! Ces associations fécondes, qu'il faut souhaiter, dans l'intérêt du renouvellement des arts, de voir revivre de nos jours, on doit surtout les bénir quand on se place au point de vue de l'histoire. Que d'informations précieuses les dessins tracés sur de grossiers vases de terre n'ont-ils pas ajoutées à notre connaissance de la peinture gréco-italique ! Et qui pouvait se flatter de connaître les ressources infinies de la sculpture hellénique avant la découverte de ces merveilleuses terres cuites, qui, après un oubli de plus de vingt siècles, viennent de reparaître à la lumière, éblouissantes de grâce et de fraîcheur, et unissant à la pureté des formes l'intimité, on serait presque tenté de dire le laisser-aller dont on avait fait une des conquêtes de l'art moderne !

L'ardeur que nos contemporains apportent dans ces réhabilitations, le triomphe de ces principes de large et féconde sympathie ont tout particulièrement profité, dans les vingt dernières années, à un art peu connu de ce côté-ci des monts, mais qui en Italie, en Grèce et jusque dans l'Orient, compte plus d'un chef-d'œuvre. La considère-t-on dans ses procédés, la peinture en mosaïque est une industrie d'art au premier chef, puisqu'elle nous offre non l'expression directe, immédiate de la pensée d'un maître, mais une traduction due à de patiens et obscurs auxiliaires, incapables de créer par eux-mêmes. S'attache-t-on à ses résultats, elle satisfait, au