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bien considéré, le fond des choses est-il resté le même et n’y a-t-il que les dehors qui soient différens.

Ce sentiment de surprise mêlé de réserve, on l’éprouvait tout d’abord en visitant le Salon. Son premier aspect offrait un agrément imprévu : il semblait que, depuis l’année dernière, un progrès eût été accompli. Une sorte de nouveauté ambiante y régnait et il en restait une sensation de clarté et de fraîcheur. Maintenant, quand on y réfléchit, cette impression s’explique encore. Elle naissait d’un assemblage de qualités qui, bien que secondaires, n’en ont pas moins leur intérêt. Ce qui nous touche en cela, c’est que les entreprises qui ont été faites, depuis quelque temps, pour renouveler l’art, n’ont pas été perdues. L’imitation de la nature poussée jusqu’à la servilité, les excès d’un réalisme sans mesure, ne se sont pas produits inutilement. Un grand nombre d’artistes, sans suivre les novateurs dans leurs exagérations, se sont approprié la part d’idées justes qui est au fond de leurs systèmes. Des audaces de quelques-uns, il est sorti des vérités dont la somme s’est répartie sur l’école entière. Ainsi, les tentatives des impressionnistes, accueillies avec ironie et même taxées avec dédain, ont profité à toute notre peinture. Le coloris y est plus simple ; la valeur des tons y est mieux observée : les sujets échappent au jour étroit de l’atelier. Est-ce à dire que ce soit le dernier mot du progrès ? Non certainement. Le plein air nous donne la clarté de la fresque, et, ne fût-ce qu’à cause de cela, il mérite d’être consulté ; mais, en s’y référant plus que de raison, on risque de tomber dans la décoloration et dans un manque d’effet qui est contraire à l’idée qu’on doit avoir de la peinture. Cependant il est juste de constater qu’un champ nouveau est acquis à l’étude et que l’art, l’art le plus élevé, peut y trouver des ressources.

La situation de la sculpture est à peu près la même. Les méthodes qui prévalaient depuis le commencement du siècle sont tombées en désuétude. La manière de poser une statue, de faire usage du modèle vivant et d’accentuer les formes, est entièrement changée. On ne comprend plus, comme il y a vingt ans, l’entente des ajustemens, l’art de traiter les draperies. Évidemment nous n’avons plus les mêmes procédés d’analyse. Ce qui domine aujourd’hui, c’est un grand éloignement pour toute convention, pour tout pédantisme. On cherche de préférence dans la statuaire un aspect souple et vivant. On voudrait substituer à l’impression que produit l’œuvre d’art l’émotion directe qui vient de la nature. Mais il est à craindre que, de la sorte, on ne franchisse les limites en dehors desquelles il n’y a plus d’œuvre sculpturale.

Il y a aussi en architecture une école de réalistes dont la doctrine