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moins de quatre statues. L’une d’elles est destinée à la ville de Guise, patrie de Desmoulins ; les autres semblent avoir été faites en vue du Palais-Royal, si l’on en juge par les accessoires. Camille Desmoulins ne passait pas pour être beau ; mais il avait des yeux pleins de feu où. brillait une exaltation communicative. Certes son action dut être puissante, car il n’avait pas l’élocution facile, affecté comme il l’était d’une sorte de bégaiement. D’ailleurs, considérées en elles-mêmes, les paroles qu’il prononça ce jour-là et qu’il nous a conservées ne sont pas de celles qui restent frappées dans la mémoire. Mais elles étaient à propos. Elles répondaient aux sentiment de la foule et, l’ardeur du geste aidant, firent déborder son indignation.

Dans ces conditions, le sujet convenait à la sculpture. Cependant que de difficultés un pareil sujet ne présentait-il pas ? M. Doublemard, en le traitant d’une manière générale, en a évité les écueils et il a fait une bonne statue de place publique. Il a représenté le tribun entraînant la foule. Chez M. Dumaige, une chaise, placée comme accessoire, rappelle davantage la scène du Palais-Royal. M. Carrier-Belleuse a posé hardiment Desmoulins sur la table du café de Foy, que M. Cornu n’a fait qu’indiquer. Mais, en prenant ce parti, il fallait faire nettement comprendre l’action oratoire du patriote et ce n’était pas chose aisée. En sculpture, l’expression d’une bouche toute grande ouverte n’est jamais bien claire. Est-ce un chant ? est-ce un cri, ou s’agit-il d’une parole suivie ? Il nous semble que cela ne se lit pas bien clairement dans les statues que nous examinons. D’ailleurs, dans aucune, le mouvement du corps ne s’accorde avec les besoins du discoure. L’orateur, au lieu de se rejeter en arrière, devait plutôt se pencher vers ceux qui l’entouraient, répondant à leur passion, cherchant leurs yeux, les animant de son souffle.

On connaît maintenant plusieurs portraits authentiques de Camille Desmoulins. Ces statues lui ressemblent-elles ? Il n’y aurait profit pour personne à l’examiner. Ce qu’on pourrait dire d’une manière générale, c’est qu’elles n’ont pas assez les airs de 1789. Non, ce n’est pas assez que le costume soit juste, il faut encore qu’une œuvre d’art de ce genre ait la physionomie de l’époque à laquelle elle se rattache. Et c’est ce que M. Lecointe a très intelligemment compris et rendu dans sa statue de Sedaine. L’homme, d’un siècle à un autre, change d’habitudes et d’extérieur. Quelle différence entre les airs majestueux du XVIIe siècle, l’élégance du XVIIIe et toutes les libertés que l’on a dans le nôtre ! Indépendamment de l’évolution et des mœurs, la mode intervient à son tour et semble changer jusqu’aux formes du corps. Elle en use avec lui comme s’il était un esclave, elle le pétrit à sa guise. Elle le fait entrer de vive