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là par un bouquet de palmiers ou l’ouverture de quelque carrefour ! A l’horizon, la forme vague des pyramides apparaît derrière le nuage de poussière qui enveloppe la grande cité comme d’une gaze blanche. Je veux oublier l’horrible palais moderne que Méhémet-Ali a construit à côté de sa mosquée, inhabité maintenant et dont la fausse magnificence intérieure choque et révolte.


18 décembre.

Les mosquées au Caire sont d’un intérêt extrême, et nous avons attendu avec impatience une permission de la police, plus sévère cette année que de coutume, pour les visiter. Nous commençons par la plus grandiose de toutes, celle du sultan Hassan, le modèle le plus parfait de la plus belle époque de l’art arabe. Extérieurement, ces murailles de plus de cent pieds de haut, percées de très petites fenêtres, lui donnent la sévérité d’une forteresse. Quelques marches de pierre nous mènent sous un portique d’une hauteur colossale, orné d’arabesques, d’inscriptions coufiques du plus beau caractère, et de là, par un sombre dédale de corridors, dans une cour intérieure. En dire la noblesse, la grandeur et surtout l’originalité est impossible. Cette cour carrée, à ciel ouvert, donne de chaque côté accès, par une immense porte ogivale, dans une vaste salle. Chacune de ces quatre salles sert de lieu de prières et de retraite à une des quatre sectes de la religion musulmane. Celle de l’est, plus haute que les autres, forme le sanctuaire et indique le côté de la Mecque. Au centre de la cour pavée de mosaïques délicates, s’élève une charmante fontaine à la coupole octogone, peinte en bleu, d’une légèreté exquise et aux fines colonnettes. Les quatre arches, d’une hardiesse surprenante, me font songer aux thermes de Caracalla. Même sévérité de lignes, — avec des courbes plus élégantes. Dans le sanctuaire, sur les nattes qui recouvrent le dallage, est installée une famille de savetiers fort occupés à faire des chaussons de paille, une collection de gamins apprenant leurs leçons pour l’école, et une vieille femme faisant la cuisine sur un réchaud. Par derrière, nous entrons dans une vaste salle, surmontée du grand dôme qui domine une partie du Caire et qui contient le tombeau du sultan fondateur, — une simple pierre sépulcrale entourée d’une grille. Mais, hélas ! nous ne sommes pas encore faits à ce travail de destruction qui se poursuit, incessant et irréparable, et nous constatons avec désespoir que les murs incrustés d’arabesques, de faïences, s’émiettent et que ces admirables boiseries, répétant en grandioses écritures décoratives les versets du Coran, pendent toutes déchirées. Le dôme percé à jour s’écaille, les charpentes des quatre coins du toit, sculptées en délicates