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le 27 février, avait une foi républicaine sincère et éclairée, quelle joie d’assurer la pratique paisible et patiente de cette machine gouvernementale pour prouver qu’aucun de ses organes, suffrage universel, dualité législative, chef électif et temporaire, n’est incompatible avec l’esprit, le caractère et les intérêts politiques de notre pays ! Au lieu de cela, quelle politique inquiète, quels rêves de malades ! quelles conséquences singulières tirées de ce mot de république ! quelle impatience de voir réaliser ce qu’on a imaginé ce matin, ce que l’on combattra ce soir ! quelle absence complète d’unité de vues, de discipline parlementaire, de confiance en ses plus anciens amis ! Depuis que je ne suis plus au pouvoir, je suis tout étonné d’y avoir été. Je m’en souviens comme on se souvient d’avoir été au bord d’un précipice. J’éprouve quelque vertige en y pensant. » En faisant les vœux les plus vifs pour ses successeurs, il suivait avec une extrême attention les incidens de la lutte et ne comprenait pas que la chambre fût assez imprévoyante pour attaquer et affaiblir M. Jules Simon.

À l’heure où il revenait à Paris, entrevoyant un renversement du cabinet et s’alarmant des perspectives qu’il apercevait au-delà, le maréchal congédiait inopinément ses ministres et appelait le duc de Broglie. Ce n’était ni une violation de la loi, ni un coup d’état, ce n’était qu’un coup de tête. De sages conseillers auraient pu en prévenir le danger. Ceux que le président de la république écouta lui persuadèrent que, l’acte une fois commis, il fallait aller jusqu’au bout et tenter de guérir la France de ses sympathies républicaines en six mois. Dès le premier jour, M. Dufaure jugea l’aventure. Il en prévit l’insuccès, mais il était loin de croire aux moyens qui furent successivement mis en œuvre.

Il vota au sénat contre la dissolution, non qu’il renonçât à son jugement sévère sur la chambre des députés, mais parce qu’il croyait qu’un appel aux électeurs, venant de la droite, au milieu d’un si violent conflit, était de nature à surexciter les esprits, à donner aux députés une popularité qu’ils ne méritaient pas et à transformer les mécontentemens en passions obstinées. Il se rendit bientôt en Saintonge. C’est là seulement qu’il lui fut permis d’apprécier les ravages de la politique pratiquée par le ministère. Sa douleur surtout fut profonde en voyant ce qu’on tentait de faire de la magistrature qu’il avait formée et défendue pendant quatre ans. Les juges de paix avaient été révoqués ; autour de lui, il y avait eu des iniquités révoltantes. Il gémissait en comparant nos mœurs politiques à celles des pays rompus à la liberté, en voyant la facilité avec laquelle un cabinet « abusait du pouvoir que le sort avait mis entre ses mains pour désorganiser toute une grande institution et se livrer à une débauche d’arbitraire. » Les préparatifs des