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Remparts épais, tours crénelées,
Fossés profonds, larges vallées,
Demi-lunes et bastions
S’élèvent à grands coups de pelles
Suivant les règles fort nouvelles
De leurs fortifications.
Puis ils plantent des oriflammes
Sur les travaux exécutés…
Petits hommes, petites femmes,
Ils font des pâtés !

Chers enfans, fines têtes roses,
À ces très importantes choses
Donnez vos soins et vos efforts :
Jeunes Vaubans en jupes hautes,
Tout le long, le long de nos côtes
Dressez vos châteaux et vos forts.
Ignorant la vie et ses drames,
Ses soucis et ses duretés,
Petits hommes, petites femmes,
Faites des pâtés !

Toi, mon gros père, qui barbotes,
Portant le sable à pleines hottes
Pour consolider le rempart,
Qui sait où le destin te mène,
Et, dans notre mêlée humaine,
Quelle peut bien être ta part ?
Traiteras-tu les dieux d’infâmes
Ou chanteras-tu leurs bontés ? ..
Petits hommes, petites femmes,
Faites des pâtés !

Toi, mignonne commère blonde,
Qui, dans cette fosse profonde,
Veux faire « entrer toute la mer, »
Quand un jour, — car il faut qu’on aime !
Il te prendra malgré toi-même,
L’amour te sera-t-il amer ?
Connaîtras-tu des nobles âmes
Les révoltes et les fiertés ? ..
Petits hommes, petites femmes,
Faites des pâtés !