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LE
PRIX DE LA VIE HUMAINE
ET LA
QUESTION DU BONHEUR DANS LE POSITIVISME

L’ancien positivisme n’existe plus ; il a perdu par degrés cette forme doctrinale que M. Comte lui avait d’abord imposée et qu’avait acceptée en partie M. Littré. Mais s’il est mort comme système, il est plus vivant et plus puissant que jamais comme tendance ; il a légué aux nouvelles générations un problème dans lequel est venu se résoudre tout l’effort de cette laborieuse école, et qui est devenu le problème capital du XIXe siècle : La science positive est-elle en mesure d’être l’institutrice unique de l’humanité, l’arbitre de ses idées et de ses mœurs ? Pourra-t-elle donner à l’homme tout ce qu’il est en droit d’espérer dans l’ordre idéal aussi bien que dans l’ordre industriel, pour la vie de l’imagination et du cœur, que l’on ne veut pas apparemment proscrire, pour les ambitions de la pensée et les aspirations vers la justice, aussi facilement qu’elle le fait pour la conquête graduelle des forces de la nature, pour l’extension du pouvoir humain sur la matière, pour l’ornement et l’amélioration du séjour de l’homme et les satisfactions presque illimitées de son bien-être ? Suffit-elle à tout ? Répond-elle à toutes les conceptions du bonheur que l’homme peut se faire, à toutes les conditions de sa destinée ? La foi scientifique, que Littré oppose, sous ce nom expressif et dans un sens très limité, aux croyances philosophiques et religieuses, est-elle de nature à les