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apparaît Pulchérie, la pure orthodoxe, qui, dans l’église de son temps, fut une puissance personnelle. Elle avait transformé la cour la plus corrompue en un cloître, où, avec les petites princesses ses sœurs, elle chantait des hymnes, travaillait, priait, brodait nuit et jour. Toutes les trois firent vœu de virginité, et ce vœu solennel, Pulchérie, non sans une pieuse ostentation, l’inscrivit en lettres d’or et de pierreries sur l’autel de Sainte-Sophie, où chacun le pouvait lire. Versée dans les lettres grecques, latines et sacrées, elle entreprit l’éducation de son frère Théodose, choisit ses compagnons et ses maîtres et lui donna jusqu’à des leçons de démarche et de maintien. L’éducation d’un prince byzantin peut rappeler celle d’un ancien Bourbon d’Espagne. Théodose II ne fut toute sa vie qu’un auguste hochet entre des mains de femmes, de prêtres et d’eunuques. On exhibait de temps à autre l’enfant impérial à ce peuple léger de Constantinople, avide de spectacles. « Précédé d’une troupe de trabans, de cavaliers magnifiques montés sur des chevaux splendidement caparaçonnés, de gardes à la lance d’or et au bouclier d’or, l’empereur paraissait, vêtu de pourpre, couvert de bijoux, de bracelets étincelans au bras, de joyaux aux oreilles, un diadème de perles sur la tête, assis sur un char d’or traîné par des mules blanches. »

Comme il commençait à désirer le mariage, Pulchérie dut se mettre en quête d’une femme. La pieuse vierge n’ignorait pas qu’elle allait se donner une rivale ; mais la durée de la dynastie exigeait ce sacrifice et l’imposait à son abnégation. Aidée de Paulinus, jeune noble, compagnon de Théodose, elle passa d’abord en revue tout Constantinople, toute la noblesse de l’empire. Des émissaires, dépêchés dans les provinces, cherchèrent vainement la femme digne d’occuper le trône.

Sur ces entrefaites, Athénaïs est introduite dans le palais ; elle vient présenter une supplique touchant l’héritage paternel. Admise en présence de Pulchérie, elle se jette à ses pieds. Le charme de la tristesse, unie à la beauté et à l’éloquence, fut si puissant que Pulchérie retint Athénaïs auprès d’elle et enflamma l’imagination de son frère par le récit de cette entrevue. Théodose et Paulinus, cachés derrière un rideau, virent l’Athénienne et furent transportés. Le jeune empereur en devint aussitôt épris. On baptise donc Athénaïs, on change son nom païen en celui d’Eudocie. Pulchérie lui sert de marraine. La fille déshéritée du sophiste Leontius est fiancée à Théodose II. L’idée de mésalliance, du moins en ce qui concerne les femmes, semble ignorée de l’antiquité. Ce préjugé moderne était si indifférent aux empereurs, souvent sortis eux-mêmes des situations les plus basses, qu’on vit le grand Justinien épouser une courtisane, cette Theodora, applaudie de tout Constantinople pour son