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Dioclétien et Théodose Ier au roi de Perse, était rigoureusement observé. On a vu refleurir ces traditions byzantines à la cour de Louis XIV, le roi soleil.

Dans cette captivité solennelle, l’impératrice, hantée peut-être par le souvenir de ses bois d’oliviers, posséda du moins durant de longues années l’amour de son mari. Théodose II était blond, de moyenne taille, avec un nez fin, des yeux noirs et pénétrans, ombragés de longs cils. Il avait l’abord plein de grâce et de courtoisie. L’érudition d’Athénaïs ne le touchait pas moins que cette délicate beauté grecque. Il était possédé de la manie des livres, surtout des livres sacrés, à l’égal d’un Ptolémée Philadelphe, et travaillait la nuit, à la lueur d’une lampe, dont l’huile se renouvelait elle-même par un mécanisme ingénieux. Il aurait pu passer les examens d’un bon élève des jésuites de l’époque, s’il y avait eu des jésuites, en astronomie, botanique, mathématiques et minéralogie. Sozomène le proclame un second Salomon. Les flatteurs et les moqueurs (c’est tout un) l’appelaient le Calligraphe, à cause des beaux manuscrits à lettres d’or, qu’il composait en copiant les Évangiles. Il aimait à discuter théologie avec les évêques, à entonner avec ses sœurs un cantique matinal : deux fois la semaine, il jeûnait, sans autre délassement que la chasse. En ses premières années de règne, chacun vantait l’humilité, la bonté, la douce égalité d’humeur de ce prince qui devint si ombrageux et si cruel. Sa piété était pleine d’élan. Souvent, au milieu d’une représentation du cirque, il criait aux spectateurs de chanter des cantiques et se dirigeait en procession vers une église. Il se faisait donner les vêtemens des évêques défunts et les portait. On lui demandait un jour pourquoi il ne punissait pas une offense de mort : il répondit : « Je voudrais pouvoir ressusciter les morts. » En un mot, il avait toutes les qualités, hormis celles d’un prince viril, d’un homme d’état et d’un soldat. Les prêtres qui le gouvernaient le portaient aux nues, les hommes méprisaient sa faiblesse.

Eudocie, dans cette cour dévote, se laissait gagner à l’influence de ses belles-sœurs. Au lieu du Timée et du Phédon, elle lisait la Bible, les écrits des pères ; fidèle à la poésie, elle composa des vers à l’occasion de la victoire des généraux de Théodose contre les Perses. Elle fit mieux : elle mit au monde une fille, en 422, Lucinie-Eudoxie, appelée à d’étranges destinées. L’heureux père, en cette circonstance, lui accorda la dignité et le diadème d’Augusta. Elle se trouvait ainsi l’égale de sa belle-sœur. Mais Pulchérie continuait à gouverner sans partage. Toute l’influence d’Eudocie se bornait à protéger ses amis, à obtenir des places pour ses frères. N’était-ce pas à leur méchanceté qu’elle devait l’empire ? Elle se vengea en créant l’un préfet d’Illyrie ; l’autre, ministre d’état.