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forme classique, dont le latin et des mathématiques étaient les élémens essentiels. Cependant les collèges ont été ouverts de bonne heure à une catégorie d’élèves qui, ne visant pas aux professions libérales, ne venaient y chercher qu’une instruction supérieure à celle des écoles primaires. Les classes suivies par ces élèves étaient connues sous le nom de classes de français, parce que les langues anciennes en étaient exclues. Elles flattaient la vanité des familles, à qui elles permettaient de mettre leurs fils au collège ; mais, dans le collège lui-même, elles étaient un objet de dédain pour les maîtres et pour les élèves de l’enseignement classique. Cet enseignement était seul recherché par toutes les familles que n’effrayaient pas les frais de neuf années d’études et qui voulaient assurer à leurs fils la possibilité d’un libre choix entre toutes les carrières. Cette faveur dont l’enseignement classique n’a pas cessé de jouir a été pour lui tout à la fois un honneur et un péril. Elle l’a forcé à enfler démesurément ses programmes pour répondre aux vœux d’une clientèle où se rencontrent tous les genres d’ambition et toutes les natures d’esprit, et elle ne lui a pas permis un accroissement proportionné de la durée des études, qui eût entraîné, avec des dépenses plus considérables, un trop grand retard dans la préparation spéciale aux différentes carrières. M. Jules Simon, qui a si bien vu le mal de cet entassement de matières dans un trop court espace de temps et qui a fait de si louables, mais si infructueux efforts pour y porter remède, cite une page curieuse de l’abbé Fleury, qui se plaignait déjà, au milieu du XVIIe siècle, que les études fussent devenues impossibles « par la multiplicité des choses qu’ion y a comprises et que l’on promet d’enseigner en même temps. » Que dirait Fleury de nos programmes actuels où, sans rien sacrifier, sauf quelques exercices, de ce qui s’enseignait dans les collèges de l’ancien régime, tant d’enseignemens nouveaux ou renouvelés par une étude plus approfondie se sont fait place : le grec, le français, les langues, étrangères, l’histoire de France et les histoires de tous les peuples anciens et modernes, la géographie universelle, la philosophie, les sciences de tout ordre et enfin le dessin, la gymnastique et les exercices militaires ?

La première tentative sérieuse pour porter la faux dans cette formidable accumulation de matières a été la célèbre bifurcation de 1852. L’idée était excellente. Elle consistait à créer deux enseignemens secondaires, l’un où la part des sciences serait réduite au profit de la culture littéraire, l’autre où les lettres subiraient une réduction analogue au profit de l’instruction scientifique. L’exécution, par malheur, fut déplorable. On recula devant une séparation complète des deux enseignemens. On maintint, pour les premières