Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/623

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vers les carrières dites libérales, mais pour ne pas leur fermer ces carrières. Elles préfèrent les études classiques, mais elles voudraient que les connaissances pratiques et positives y conquissent la première place ; elles ne repoussent pas les lettres, et les langues anciennes elles-mêmes ne leur paraissent pas absolument inutiles pour former et pour orner de jeunes esprits, mais elles demandent, au nom des besoins de la société moderne, que les études littéraires renoncent enfin à leur prépondérance usurpée.

C’est pour donner satisfaction à ces exigences que l’enseignement classique a élargi sans cesse ses programmes de sciences et qu’on a cherché en même temps, par des réformes plus ou moins hardies, à y restreindre la part des exercices littéraires. Le trait commun de ces réformes est la prétention non-seulement de ne rien sacrifier de ce qui fait le fond des études littéraires, mais de rendre ces études plus fructueuses, grâce à l’emploi de meilleures méthodes, en leur consacrant moins de temps. C’est le but que s’était proposé M. Jules Simon, dont la tentative, si modeste cependant, a soulevé tant de clameurs. On est allé beaucoup plus loin depuis, et cependant on n’est pas allé jusqu’au bout des projets qui ont été soumis, soit au jugement de l’opinion publique, soit aux délibérations des conseils universitaires. Il ne s’agissait de rien moins que de fondre presque entièrement l’enseignement spécial dans l’enseignement classique, en reculant jusqu’aux dernières classes les études littéraires proprement dites. Tel est le système très bien conçu, très étudié dans toutes ses parties, mais, à notre avis, très chimérique, qu’a proposé un publiciste distingué, M. Ferneuil. Tel est aussi, avec moins de hardiesse et de logique, le plan d’études dont le conseil supérieur de l’instruction publique a été saisi en 1880. Les représentans de l’Université ont reculé devant des innovations aussi radicales ; ils ont fait aux langues anciennes une part un peu moins étroite et surtout un peu moins tardive ; mais, sauf cette réserve, ils sont entrés dans l’esprit des réformes proposées, et, comme tous les promoteurs de ces réformes, ils ont compté sur le changement des méthodes pour sauver et pour améliorer les études littéraires dans le champ plus restreint qui leur était assigné.

A-t-on réussi ? Nous n’invoquerons pas pour répondre à cette question le témoignage d’un adversaire des nouvelles méthodes, mais celui de l’homme le plus compétent pour les bien juger ; car il les a étudiées de près dans le pays où elles ont été appliquées avec le plus de succès, en Allemagne, et il en a recommandé depuis longtemps l’introduction dans notre enseignement classique. M. Bréal a été associé à l’élaboration des réformes de M. Jules Ferry, comme il l’avait été à celle des réformes de M. Jules Simon. Il avait indiqué