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la part de ces études dans l'enseignement même qui leur paraît proprement consacré ; mais il voudrait leur réserver quelques établissemens modèles où elles pourraient recevoir tous leurs développemens. Dans ces lycées véritablement classiques, on pourrait s'approprier avec succès ce qu'il y a d'excellent dans les méthodes allemandes, sans rien sacrifier des qualités de l'esprit français. Nous ne ferions d'ailleurs que reprendre notre bien ; car, s'il fait justement honneur de ces méthodes aux grands humanistes allemands de la fin du dernier siècle et du commencement de notre siècle, M. Bréal sait aussi y reconnaître des idées françaises, les idées de Port-Royal et de Rollin. Rien ne serait plus précieux pour nous que ces asiles ouverts à la culture littéraire, où se réuniraient, pour l'entretenir et la développer, les meilleures traditions de l'enseignement français et de l'enseignement étranger. C'est là que se formeraient les vrais lettrés et que les carrières libérales pourraient assurer, sinon leur recrutement complet, du moins celui de l'élite qui leur est nécessaire pour ne pas déchoir au rang de purs métiers. Je crains seulement que notre amour de l'égalité et de l'uniformité ne se prête mal à ces créations si désirables.

Les collèges classiques, tels que les entend M. Bréal, sont un retour à l'idée si heureuse en elle-même qui avait présidé à l'essai malheureux de la bifurcation. Ce sont des collèges littéraires d'où les sciences ne sont pas exclues, mais où elles ne reçoivent pas tous les développemens qu'ont prétendu leur donner les nouveaux programmes. Ils supposent à côté d'eux, pour donner satisfaction à tous les besoins, d'autres collèges où les rôles seraient renversés entre les sciences et les lettres. Ces derniers collèges, qu'on pourrait appeler scientifiques, trouveraient un modèle dans les écoles réelles de l'Allemagne. On se fait une très fausse idée de ces écoles quand on leur assimile notre enseignement spécial. Elles ont bien, à l'origine, été conçues dans le même esprit, comme écoles professionnelles, destinées au recrutement du commerce et de l'industrie ; mais elles se sont bientôt divisées en deux ordres, et celles de second ordre sont seules restées fidèles à la destination primitive. Les écoles réelles de premier ordre correspondent, non à notre enseignement spécial, mais à la section des sciences de la bifurcation, avec cette différence que leur enseignement ne se greffe pas sur l'enseignement littéraire et qu'il ne garde avec lui aucune classe commune. Leurs programmes, où le latin tient une place importante auprès de la langue nationale, des langues vivantes, de l'histoire, de la géographie et des différentes branches des sciences, représentent à peu près l'ensemble des matières de notre baccalauréat ès-sciences. Il y a ainsi une parité complète et une émulation féconde entre les écoles réelles de premier ordre et les gymnases classiques.