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dans les Épidémies, on trouve la description d’une maladie caractérisée par de la toux et qui se terminait souvent par des paralysies. Quelle était cette maladie, que l’on appelait épidémie de Périnthe, ne pouvant pas la rapprocher d’une affection actuelle ? M. Littré nous a montré qu’il s’agissait là tantôt des paralysies qui surviennent après l’angine couenneuse et bien décrites en 1860 par Trousseau et Maingault, tantôt de celles qui se manifestent à la suite des angines inflammatoires simples, comme l’a montré Gubler. Ainsi pendant vingt-deux siècles, cette connexité entre les paralysies et les angines était restée enfouie dans les ténèbres, et ses nouveaux observateurs ne se doutaient certes pas qu’ils avaient été dans cette voie précédés par Hippocrate. C’est encore M. Littré qui a montré qu’Hippocrate, avant nos contemporains, avait décrit la paralysie d’une moitié du voile du palais accompagnant la paralysie de la moitié de la face, le bruit de cuir neuf perçu dans la poitrine des individus affectés de pleurésie avec des fausses membranes ; qu’il avait employé les appareils et les procédés les plus ingénieux pour réduire les fractures et les luxations, même celles des vertèbres ; qu’il avait affirmé avec raison que les lésions du côté droit du cerveau déterminaient la paralysie des membres du côté gauche[1]. Dans la collection hippocratique, on trouve aussi mentionné l’érysipèle de la gorge comme compliquant l’érysipèle de la peau, l’atrophie musculaire à la suite des paralysies, l’érysipèle gangreneux, les kystes hydatiques du poumon, etc.

Voilà ce qu’a découvert M. Littré en sachant lire Hippocrate, tant il est vrai que l’intelligence et l’interprétation des livres anciens dépendent du progrès actuel des sciences. La science d’aujourd’hui est fille de la science d’hier. Pour retrouver le fil conducteur entre le passé et le présent, il faut lire les anciens, voir combien, au milieu de son évolution rapide, la médecine a laissé en chemin d’essais, d’indications, d’institutions qu’il serait sage de ne pas perdre et qu’une étude intelligente peut nous rendre. Au milieu du fouillis presque inextricable de la pharmacopée antique, on trouve des aperçus fort curieux. Dans Hippocrate, on lit des observations fort intéressantes sur l’ellébore, très en honneur à cette époque pour le traitement des affections fébriles et complètement oublié depuis bien des siècles ; de nos jours, on a retiré de l’ellébore un alcaloïde, la vératrine, possédant les mêmes propriétés sédatives que le médicament donné par le médecin de Cos pour modérer les phénomènes inflammatoires. Il y aurait des essais analogues à faire sur les autres drogues empiriques des anciens. Que de choses on a été obligé de réinventer depuis eux ! Un contemporain d’Hippocrate

  1. Tome X de la traduction d’Hippocrate 1861.