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gouvernement ne trouve rien à dire ; il n’oppose à toutes ces usurpations de chaque jour, de chaque heure, que d’inoffensives annulations de vote dont on se moque, il a cru récemment avoir apaisé la question ; il l’avait tout au plus ajournée, et il est bien clair que, s’il n’était pas tombé pour ses indécisions dans les affaires extérieures, il serait tombé un jour ou l’autre pour ses faiblesses dans ces affaires municipales, où il n’a su ni maintenir la loi, ni faire respecter une volonté de la chambre, ni rester un gouvernement.

Aujourd’hui c’est fait. Que va-t-il sortir après cela de cette crise qui vient de s’ouvrir ? Quel sera le dénoûment des négociations qui ont commencé pour arriver à la reconstitution d’un ministère ? La question est certes assez compliquée, assez épineuse, d’autant plus que la situation, qui paraît simple à ne considérer que le vote qui l’a créée, n’est en réalité rien moins que claire. Cette majorité même qui s’est révélée dans un scrutin est à peine une indication ; elle se compose d’élémens trop divers ou même antipathiques pour pouvoir servir à la formation d’un ministère. Elle s’étend à toutes les parties de la chambre ; elle a rapproché pour un instant, dans un vote exceptionnel, ceux qui auraient voulu une intervention plus décidée, plus étendue, et ceux qui encore aujourd’hui préféreront une abstention complète. D’une autre côté, l’opinion est visiblement aussi partagée, aussi divisée que le parlement. Tout est passablement confus, nous en convenons. De cette confusion même cependant on pourrait dégager deux ou trois faits essentiels, caractéristiques. D’abord il est parfaitement évident que, dans toutes ces mêlées d’opinion, dans toutes ces discussions qui viennent de se dénouer par la chute d’un cabinet, il n’y a pas une apparence d’hostilité contre l’Angleterre et que, pour tous les partis sérieux, l’utilité de l’alliance ou de l’entente, comme on voudra l’appeler, n’est pas même un doute. En même temps, il est clair que, s’il y a un sentiment universel de prudence nationale qui répugnerait aux aventures, ce sentiment public ne souffrirait pas moins d’une humiliante abdication dans des affaires où la France a toujours eu un rôle. Si on voulait enfin chercher, au point de vue intérieur, quelque lumière dans notre récente histoire, on pourrait remarquer que ceux qui ont eu depuis quelque temps le plus d’autorité, de crédit, même dans cette chambre telle quelle, ce sont des hommes modérés comme M. le ministre des finances, qui sort intact de la dernière crise avec son budget plus qu’à demi voté, comme M. Ribot. Un député qui a passé au pouvoir avec M. Gambetta, M. Paul Devès, disait lui-même l’autre jour au dernier ministère, à propos de la mairie de Paris : « Ne pensez pas pouvoir vous servir de républicains modérés pour faire les affaires de l’extrême gauche. » Il ne s’agirait que de s’entendre sur ce que signifie cette modération interprétée par un ancien collègue de M. Gambetta. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’on ne peut relever les affaires