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résultats, par suite de majorations excessives au moment de la formation du capital, la cote continue à enregistrer sur le plus grand nombre des valeurs des prix que les haussiers les plus déterminés, il y a quelques années, n’auraient jamais, espéré atteindre. Nous avons cité le 5 pour 100, le Suez, le Nord, l’obligation unifiée, nous pouvons ajouter le Crédit foncier, la Banque de Paris, le Lyon, le Midi, le Gaz, l’Omnibus, les Voitures, le Lombard, le Nord de l’Espagne, etc. Des établissemens, atteints, assez vivement à l’heure actuelle par la prolongation de la crise, comme le Crédit lyonnais et la Société générale, gardent encore 50 et 80 pour 100 de prime. Il s’agit d’empêcher que ce groupe de grandes valeurs, dont la spéculation s’occupe spécialement et dont l’attitude détermine en quelque sorte la fortune de toute la masse des titres mobiliers, soit entraîné par les baissiers dans un mouvement de recul au terme duquel se retrouveraient les cours des années qui suivirent le grand désastre de 1871.

Les banquiers et les établissemens de crédit qui conservent en portefeuille des quantités énormes de valeurs dont la négociation est devenue impossible doivent, en effet, veiller au maintien d’un marché pour le jour plus ou moins prochain où la politique permettra enfin aux affaires de reprendre leur essor. C’est contre la politique que les haussiers soutiennent la « lutte ; » ils ont, il est vrai, pour eux les conditions financières les plus désirables, le bon marché et l’extrême abondance de l’argent ; mais les événemens paralysent ces moyens d’action et fournissent de solides armes à leurs adversaires. C’est pour empêcher ceux-cède, recueillir les fruits d’une trop facile victoire que la haute banque vient encore une fois d’imprimer au marché une vigoureuse impulsion en hausse, à l’heure même où les circonstances politiques, à l’intérieur comme à l’extérieur, prenaient un caractère de moins en moins satisfaisant.

La dernière liquidation avait permis de constater que les ressources disponibles étaient plus que suffisantes pour les engagemens déjà réduits de la spéculation. Aussitôt quelques valeurs avaient été très vivement poussées, surtout le 5 pour 100, qui se rapprochait de 116 francs, et le Suez, qui atteignait presque 2.700. Les Anglais avaient bombardé Alexandrie ; on espérait qu’une action vigoureuse allait amener en peu de jours la chute d’Arabi, on savait de plus, que l’Angleterre et la France venaient de conclure une convention relative, à la protection du canal de Suez. Mais les banquiers comprirent sans doute que cet élan était prématuré et qu’ils ne pourraient être suivis ni par la spéculation moyenne, ni par l’épargne. Après avoir contraint les vendeurs à quelques rachats, ils ont laissé le marché à lui-même, et ce qui venait d’être gagné a été à peu près intégralement reperdu. Il devenait de plus en plus évident que la conférence ne voudrait donner aucun mandat européen à la France et à l’Angleterre pour la pacification de