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ancien procureur-général, orateur spirituel et mordant, caractère agressif et batailleur.

On prêtait au cabinet libéral l’intention de faire du nouveau, beaucoup de nouveau, en matière de politique extérieure. Le système de Beaconsfield avait été l’entente avec la Prusse, l’Autriche et la Turquie. Le système de Gladstone devait être, croyait-on, l’entente avec la France, la Russie et la Grèce. On en jugeait ainsi d’après les déclarations et les discours des chefs du parti libéral pendant la période électorale. Il y eut, en effet, un refroidissement assez sensible dans les relations avec les deux puissances allemandes et avec l’empire ottoman ; il y eut de la détente dans les rapports avec la Russie. Ce fut à peu près tout. L’affaire de Dulcigno d’abord, celle de Tunis ensuite jetèrent quelques nuages entre les cabinets de Paris et Londres. M. Gambetta arriva trop tard au pouvoir et ne trouva plus l’Angleterre ni aussi bien disposée ni aussi libre de ses mouvemens. La Russie, par diverses causes, revint à son amitié traditionnelle avec la Prusse. Successivement, un à un, tous les fils de la politique européenne se réunissaient entre les mains du prince de Bismarck. Peu de chances, par conséquent, pour l’Angleterre de jouer un grand rôle en Europe ; pas la moindre chance surtout de refouler les Turcs en Asie et de partager la péninsule des Balkans entre les nationalités gréco-slaves. La politique étrangère fut donc pour le moment reléguée à l’arrière-plan. La question irlandaise, au contraire, qui n’avait tenu que la seconde place dans les élections, allait devenir la grosse affaire et la préoccupation principale du cabinet.


II

La loi de 1870 n’avait pas produit les heureux résultats qu’en attendait Gladstone : elle avait mécontenté les propriétaires sans satisfaire les fermiers. Le droit du tenancier, le tenant right, tel que cette loi le reconnaissait, ne profitait qu’au fermier relativement aisé, à celui qui améliorait sa ferme et payait régulièrement son propriétaire. La plupart des fermiers irlandais n’étaient pas dans ce cas. Il y avait eu coup sur coup trois mauvaises récoltes, une en 1877, une en 1878 et une en 1879. Les fermages ne furent donc pas payés, d’abord à cause des mauvaises récoltes et ensuite pour une autre raison que nous allons expliquer. Les propriétaires, lésés dans leurs intérêts par la loi de 1870, avaient cherché à regagner au moins une partie de ce que cette loi leur faisait perdre. Pour cela, ils avaient augmenté les fermages partout où ils l’avaient pu. Or il est assez facile en Irlande d’élever le fermage ; ce qui est difficile, c’est de le faire payer. La culture étant presque le seul moyen d’existence de