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tragédie de Phœnix-Park n’était qu’un malheureux atteint d’aliénation mentale. Il ne se trouvait même pas à Dublin le jour de l’assassinat.

M. Parnell protesta énergiquement contre le double crime de Phœnix-Park ; précédemment il avait déjà retiré le manifeste No rent. Vaines manifestations, regrets sincères sans doute, mais stériles. Cavendish et Burke n’en étaient pas moins morts ; les fermages n’en continuaient pas moins à rester impayés. L’espoir de résoudre à l’amiable la question irlandaise devenait de plus en plus chimérique. Les événemens donnaient tristement raison à M. Forster. Pour la quatrième fois en deux ans, M. Gladstone était obligé de chercher sa voie au milieu d’inextricables difficultés. Un autre aurait perdu courage. Heureusement le chef actuel du ministère anglais possède une force précieuse : sa confiance en lui-même. On a dit de lui qu’il se croyait infaillible comme le pape. Ce n’est pas tout à fait exact. M. Gladstone change et reconnaît par conséquent qu’il s’est trompé ; il ne se croit donc pas infaillible dans le passé, mais seulement dans le présent : ce n’est qu’une infaillibilité du moment. A l’heure présente, il est revenu au système de l’année dernière, à cette politique qui veut frapper d’une main et apaiser de l’autre. Replacer l’Irlande sous le régime du droit commun, il n’y songe plus. Tout au contraire, il vient de remplacer la loi d’exception de l’année dernière par une loi plus efficace. La loi de 1881 permettait seulement d’emprisonner par voie administrative ; celle de cette année, qui vient d’être votée, permet de faire juger et condamner sans l’assistance du jury. En voici les dispositions principales : des tribunaux d’exception sont établis pour juger les crimes et les délits politiques ou agraires ; ils siègent sans l’assistance du jury ; ils se composent de trois magistrats choisis par le vice-roi d’Irlande ; ils se transportent dans les divers districts soumis à leur juridiction. La presse irlandaise est soumise à une législation exceptionnelle ; en cas de condamnation, le journal peut être supprimé et son matériel confisqué ; des poursuites peuvent être exercées, non-seulement contre l’éditeur du journal, mais contre les auteurs présumés des articles. Les complices présumés d’un crime peuvent être recherchés et poursuivis même en l’absence de l’auteur principal ; les témoins peuvent être contraints à comparaître par voie de coercition. En cas de perpétration d’un crime agraire, le vice-roi d’Irlande peut mettre à la charge de la localité ou le crime a été commis l’établissement d’un corps de police supplémentaire : c’est une sorte d’amende infligée aux populations présumées trop complaisantes pour les assassins. L’article 8, appelé l’article du couvre-feu, permet d’arrêter toute personne trouvée hors