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II

Ce qui nous frappe d’abord, c’est l’importance qu’il donnait à la sépulture. Toutes les nations antiques y tenaient beaucoup sans doute ; elles nous ont pourtant laisse, en même temps que des monumens funéraires, des palais, des temples, des théâtres : nous n’avons guère des Étrusques que des tombeaux. C’est qu’évidemment ils les construisaient avec plus de soin que tout le reste. Ils étaient donc très préoccupés de la mort ; mais quelle idée s’en faisaient-ils ? Il semble qu’il soit aisé de le savoir et que nous n’ayons pour le dire qu’à regarder les peintures qui décorent les tombes. Malheureusement, ces peintures ne sont pas toutes de la même époque, et elles peuvent représenter des états d’esprit très différens. Sous l’influence de leurs voisins, les Étrusques ont plus d’une fois changé d’opinion ; il faut tenir compte de ces variations, ne pas tirer d’une seule peinture des conclusions trop générales, et se garder d’attribuer à un temps ce qui appartient à un autre. N’oublions pas non plus que les religions antiques n’avaient pas de dogmes précis : c’est une vérité qu’il faut toujours avoir devant les yeux quand on étudie l’antiquité. Les Étrusques possédaient sans doute un grand nombre de livres sacrés ; mais, quoique nous les ayons perdus, nous pouvons être sûrs qu’aucun d’eux ne contenait un enseignement religieux au sens que nous attachons à ce mot ; là comme ailleurs les prêtres ne s’occupaient que de régler les pratiques du culte, tout le reste était laissé à la libre interprétation des fidèles. Même sur la question qui nous paraît la plus importante de toutes, sur la mort et ce qui la suit, sur les enfers et sur l’Élysée, chacun pensait à peu près ce qu’il voulait. Les artistes des tombes de Corneto n’étaient donc pas enchaînés, comme ceux des catacombes, par des croyances fixes, et rigoureusement tenus de s’y conformer. Ils pouvaient se livrer davantage à leurs caprices. On risquerait de se tromper, si l’on voulait trop presser le sens des scènes qu’ils représentent, prêter, comme on l’a fait souvent, aux moindres détails de leurs tableaux des intentions formelles, et tirer une doctrine certaine et générale de ce qui n’était quelquefois qu’une fantaisie individuelle.

Ces réserves faites, il y a un certain nombre d’observations qu’on peut hasarder sans crainte et qui s’appuient sur trop de preuves pour être contredites. On remarquera par exemple que la mort ne paraît pas inspirer aux artistes étrusques, au moins dans les premiers temps, des idées fort tristes. Les sujets lugubres, qui semblent