Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/812

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un lion par la patte, comme il y en a dans les bas-reliefs des palais de Ninive. La provenance de tous ces objets n’est pas douteuse : nous avons sous les yeux les produits d’un art oriental, et l’on reconnaît du premier coup, dans ces bijoux et dans ces vases, des importations de l’Assyrie, de l’Egypte, ou de quelque nation voisine. Comment ont-ils pu venir de si loin s’enfouir dans les nécropoles italiennes ? Peut-on savoir qui s’est chargé de les apporter, par quelle voie ils sont arrivés, et à quelle date remonte cette première invasion de l’Orient ? — Graves problèmes, qui ont été longtemps agités et dont on entrevoit aujourd’hui la solution.

Il est sûr d’abord que les Étrusques ne les ont pas reçus directement de l’Egypte ou de l’Assyrie. Les Égyptiens, que M. Helbig appelle « la nation la plus hydrophobe de l’ancien monde. » ne s’aventuraient pas volontiers dans ces longs voyages. Quant à l’Assyrie, ses frontières naturelles étaient assez éloignées des rivages de la Méditerranée ; elle n’y a touché que par moment et à la suite de conquêtes éphémères. Mais il y avait entre l’Assyrie et l’Egypte, un peuple de marchands qui se chargeait, de faire le commerce pour ses voisins, c’étaient les Phéniciens. Peu inventifs par eux-mêmes, ils excellent à se servir des inventions des autres. En vrais négocians qu’ils sont, ils n’ont pour leur compte aucun souci de l’originalité ; ils fabriquent chez eux et colportent au dehors les marchandises qui sont assurées d’un prompt débit. Comme celles qui viennent de l’Egypte et de l’Assyrie paraissent de nature à plaire aux étrangers, ils les imitent quelquefois en les gâtant, et les répandent dans le monde entier ; c’est donc par leur intermédiaire, c’est sur leurs vaisseaux qu’elles sont arrivées dans tous les pays où nous les trouvons. La Grèce elle-même, malgré la supériorité de son esprit, dont elle a toujours eu conscience, et quoiqu’elle eut déjà produit de grands poètes, fut d’abord tributaire de l’art oriental, et c’est en l’imitant qu’elle apprit à le surpasser. A plus forte raison, les Italiens, moins heureusement doués de la nature, moins riches de leur fond, en furent-ils charmés. Il est à remarquer que les Latins ne lui firent pas un moins bon accueil que les Étrusques. En 1876 on a découvert aux environs de Palestrina, l’ancienne Préneste, un véritable trésor composé d’une quantité d’objets en or, en argent, en ivoire, en ambre, en bronze, en verre, en fer, et qui contient des cratères, des trépieds, des bijoux, des armes, des ustensiles de toutes sortes, des coupes surtout, dont l’une est décorée à l’intérieur de différens sujets ciselés en relief ; c’est assurément une des pièces les plus curieuses que nous possédions de l’orfèvrerie orientale[1].

  1. Cette coupe a été étudiée par M. Clermont-Gannau, dans un ouvrage intéressant et plein de vues nouvelles intitulé : l’Imagerie phénicienne.