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accru des lettres que les Grecs y avaient ajoutées. Ils connaissaient donc la Grèce, ils entretenaient des rapports avec elle, ils s’étaient déjà mis à son école dès le VIIIe siècle. Si son influence n’a pas été d’abord souveraine sur eux, c’est qu’elle-même à ce moment n’avait pas trouvé sa voie et qu’elle se contentait encore d’imiter l’Egypte et l’Assyrie. Mais elle n’était pas faite pour rester longtemps asservie à l’étranger. Son originalité naturelle finit par se réveiller, et elle apporta sur tous les marchés les produits d’un art plus libre, plus jeune, plus vivant, où l’Occident reconnut son génie. — L’Etrurie fut séduite avant les autres nations italiques, et dès lors l’imitation de la Grèce remplaça chez elle celle de l’Orient.

L’art grec est représenté surtout dans l’Etrurie par les fresques sépulcrales : c’est sous son inspiration qu’elles ont toutes été peintes. Celles de Corneto ayant l’avantage d’être nombreuses et d’avoir été exécutées dans le même pays, sous les mêmes influences locales, il est plus facile de les comparer entr’elles et d’arriver à les classer en les comparant. Ce travail, commencé par M. Brünn, a été poursuivi avec encore plus de rigueur et de succès par M. Helbig. Son jugement est déterminé par des raisons de plusieurs sortes : il y en a qui sont plutôt du ressort du goût, d’autres qui lui ont été fournies par son érudition. Une peinture, par la manière dont elle est exécutée, porte son âge avec elle ; un critique exercé peut deviner, en la regardant, à quelle période de l’art elle se rattache et de quelle école elle est sortie. Mais cette sorte d’intuition ne suffit pas ; pour que la décision du critique soit acceptée sans contestation, il est bon qu’elle s’appuie sur des preuves plus précises. Les procédés employés par l’artiste dans le détail de son œuvre peuvent les lui fournir. Nous voyons, par exemple, que Pline dit de Polygnote ; Primus mulieres tralucida veste pinxit ; toutes les fois qu’un tableau nous montrera des femmes avec ces vêtements transparens qui laissent deviner les formes, on est en droit de supposer qu’il est postérieur à Polygnote. On peut quelquefois tirer des renseignemens précieux d’une circonstance qui paraît d’abord assez futile : dans la tomba dei vasi dipinti l’artiste a représenté l’intérieur d’une maison étrusque ; des vases sont disposés sur une table ou reposent à terre ; leur forme est élégante, et ils portent des figures noires sur un fond rougeâtre. Ce détail, auquel on ne fait pas d’abord grande attention, n’est pas sans intérêt. Nous savons à peu près vers quel siècle ce genre de décoration a commencé à être à la mode pour les vases peints et quand on l’a remplacé par les figures rouges sur fond noir. Nous voilà donc en possession d’une date approximative. A l’aide de ces indications, et de beaucoup d’autres que je suis forcé d’omettre, M. Helbig a établi que les plus vieilles tombes de Corneto ne sont