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un sacrifice. Mais, malgré la gravité de l’acte qu’ils accomplissent, leur figure est souvent vulgaire. Le vêtement et le bas du corps sont traités ordinairement avec élégance. Le sculpteur devait avoir des cahiers de modèles, et il préparait d’avance et à loisir ces parties de son œuvre qui ne changeaient pas. La figure est celle du mort. L’artiste l’a ajoutée au dernier moment et il l’a reproduite avec une fidélité parfaite. Quand il a des vieillards ou des vieilles femmes à représenter, il ne nous fait grâce d’aucune des déformations que l’âge inflige à la face humaine ; il nous montre avec complaisance les rides du front, la saillie des traits, les chairs pendantes, les poitrines flasques, les cous décharnés. Ce réalisme souvent grossier, quelquefois puissant, était la tendance des artistes étrusques ; voilà dans quelle voie ils auraient marché s’ils avaient suivi jusqu’au bout leurs instincts naturels.

Ils s’en éloignèrent pour se rapprocher de l’art grec. Tant que la Grèce ne leur avait envoyé que les ouvrages de ses premiers maîtres, pleins encore d’inexpérience et de tâtonnemens, l’admiration n’avait pas été assez forte pour paralyser chez eux toute originalité. Quand arrivèrent les chefs-d’œuvre, la séduction fut telle qu’ils s’oublièrent tout à fait eux-mêmes. En présence de ces merveilles, ils furent entièrement soumis et domptés et ne songèrent plus qu’à les reproduire. M. Helbig nous fait suivre, dans les fresques de Corneto, l’influence de plus en plus puissante de la Grèce. Il y a des tombes, — les plus anciennes, — où l’art national essaie timidement de résister, où l’on trouve les caractères des deux écoles mêlés quelquefois assez maladroitement ensemble. Mais, dans les suivantes, la Grèce l’emporte sans partage. Sa victoire se révèle par la présence de scènes ou de personnages empruntés aux poèmes homériques, par l’emploi du nu, par le caractère idéaliste des peintures. A l’école des Grecs, le goût de l’artiste étrusque devient plus fin, et sa main plus habile ; ses défauts disparaissent ou diminuent, il produit des œuvres plus élégantes, mais son inspiration n’est plus aussi sincère. Il compromet ses qualités naturelles sans parvenir à égaler celles de ses maîtres. Bientôt la décadence se montre : elle est déjà visible, à Corneto, dans le Polyphème de la tomba del Orco. La défaite de Tarquinies et sa soumission aux Romains la rendirent irréparable. Il arriva alors en Italie ce que nous voyons de nouveau se produire sous nos yeux. Toutes ces cités qui avaient conservé une physionomie distincte tant qu’elles étaient restées libres et souveraines, ces petites capitales de petits états où régnait une certaine activité d’esprit, qui cultivaient les arts et formaient des écoles indépendantes, furent absorbées dans la grande unité romaine. La vie, comme toujours, se porta au centre. Les municipes, entraînés dans