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puis il jette en avant Tauron et ses archers à cheval. Bientôt Tauron revient de sa reconnaissance ; les renseignemens qu’il apporte sont précis. L’armée macédonienne n’a devant elle qu’une troupe insignifiante, et cette troupe déjà intimidée paraît s’apprêter à rebrousser chemin. Alexandre ne lui en laissera pas le temps ; il fond sur les Indiens, les culbute, leur tue quatre cents hommes et s’empare des chars qui restent embourbés dans l’argile rougeâtre qu’a détrempée l’orage de la nuit. Le fils de Porus, périt dans la déroute.

Quand cette nouvelle arriva au camp avec les fuyards, Porus se disposait à repousser Cratère, qui, depuis le matin, rassemblait ses radeaux et rapprochait de plus en plus ses troupes du rivage. C’est le général Danenberg qui manœuvre sous les hauteurs de Balaklaya et cherche à retenir le général Bosquet loin du champ de bataille où Soïmonof s’efforce de déployer ses troupes, Porus montre ici le coup d’œil dont firent preuve dans la grande journée d’Inkermann nos vaillans généraux d’Afrique, Bosquet et Canrobert ; il ne se laisse pas longtemps abuser par une démonstration qui s’accentue en vain, puisqu’elle trahit encore par l’incertitude de ses mouvemens que le moment n’est pas venu pour elle d’aboutir. Le danger bien évidemment n’est pas là ; quelques éléphans et un peu d’infanterie suffiront pour contenir Cratère. Alexandre a passé avec une partie de ses troupes sur la rive gauche de l’Hydaspe ; c’est contre Alexandre que Porus doit marcher.

Les Indiens faisaient plus de fond sur leurs chars que sur leurs cavaliers ; ils ne s’en servaient pas seulement pour enfoncer et pour disperser l’infanterie ennemie ; ils les employaient aussi à transporter rapidement d’un point de la ligne à l’autre des archers et des fantassins pesamment -armés. Les chars étaient en quelque sorte l’artillerie à cheval d’une armée indienne ; les éléphans remplaçaient nos batteries de position. Attelé de quatre chevaux, chaque char portait six hommes : deux hoplites, deux archers et deux conducteurs munis de javelots. Mais pour pouvoir tirer quelque parti de cet engin de guerre, il fallait avant tout rencontrer ce que nos canons aujourd’hui exigeait : un terrain ferme. C’est là ce que Porus allait chercher quand il prit la détermination de quitter son camp et de s’éloigner de la rive, au risque de la voir occupée par Cratère.


IV

Dès que le roi indien a trouvé dans la plaine inondée un sol où les roues de ses-chars ne sont plus exposées à entrer jusqu’au moyeu, il s’arrête. Les éléphans prennent leur poste habituel en avant de la ligne, la cavalerie se déploie sur les ailes et les chars se rangent