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l’obscurcir. Le dernier ministère a compromis bien des questions par ses incohérences, par ses concessions, par ses complaisances pour toutes les excentricités plus ou moins démocratiques, et il a parfois sacrifié les intérêts les plus sérieux à ce qu’il appelait l’union du parti républicain ; il laissait passer les propositions les plus bizarres sous le prétexte de ne pas provoquer des scissions de majorité, et il avait la prétention de rallier tous les groupes en cédant à leurs caprices. Le président du conseil d’aujourd’hui a déjà tout l’air de recommencer l’expérience sous une forme nouvelle et de vouloir, lui aussi, maintenir ou rétablir l’union du parti républicain en s’efforçant de concilier tous les groupes, c’est-à-dire en leur faisant une part dans le pouvoir. Il est sans doute lui-même modéré par ses opinions, mais il se croit obligé d’appeler dans le cabinet un membre de la gauche radicale, un député de Paris, M. Hérisson, qui n’avait certes pas une compétence particulière pour la direction des travaux publics et qui, en toute circonstance, a voté pour les mesures les plus extrêmes, les plus désorganisatrices. Faire marcher ensemble la modération et le radicalisme, c’est la chimère de cette politique qui croit tout concilier et qui n’arrive qu’à tout confondre !

Chose singulière ! le nouveau garde des sceaux, M. Paul Devès, est justement le député qui déclarait, il y a quelques mois à peine, qu’il ne fallait pas compter se servir des républicains modérés pour faire les affaires de l’extrême gauche et qui obtenait de la chambre un ordre du jour presque brutal contre la mairie centrale de Paris ; mais, d’un autre côté, M. le préfet de la Seine a déclaré qu’il n’avait accepté ses fonctions que pour faire triompher cette mairie, et il ajoutait fièrement : « Sinon, non ! »Ces jours passés encore, il saisissait l’occasion de se prononcer pour l’extension des pouvoirs du conseil municipal. Comment concilier l’ordre du jour de M. le garde des sceaux Devès et les déclarations de M. le préfet de la Seine Floquet ? Que va-t-il se passer ? C’est, à ce qu’il paraît, la comédie du mois dernier qui recommence entre le premier magistrat de Paris donnant sa démission et le gouvernement pressant son préfet de rester. M. le préfet de la Seine a-t-il réellement offert sa démission ? L’a-t-il retirée sur les instances du nouveau ministre de l’intérieur ? Comment s’est-on entendu ? Si seulement le conseil municipal de Paris avait été encore en session, M. le préfet de la Seine aurait eu la ressource de lui demander secours, de se faire « inviter » ou autoriser encore une fois par un ordre du jour à rester quand même dans sa préfecture ; mais le conseil municipal n’a plus pour le moment la parole, et, en attendant qu’il la retrouve, la question reste indécise. Malheureusement la contradiction est partout dans ce cabinet. Parmi ces ministres et les nouveaux sous-secrétaires d’état qui viennent d’être adjoints aux ministres, qui ont été choisis ou acceptés par M. le président du conseil, il y a des hommes qui ont voté