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de peine pour en limiter les frais que s’il se fût agi de la fortune de mes enfans… Je me suis fait un ennemi de sir John Vanbrugh, en essayant de mettre un frein à ses folies, à son gaspillage, et je n’y ai réussi que bien imparfaitement. » On le voit, dans cette affaire comme dans beaucoup d’autres, la duchesse avait raison au fond, mais elle se donnait souvent tort par l’aspérité de la forme.

De là vinrent ses tristes dissentimens avec plusieurs de ses enfans et petits-enfans.

Très pénétrée de ses droits de mère et d’aïeule, non-seulement au respect mais à l’obéissance des siens, elle se heurta à des résistances coupables souvent et dont elle souffrait d’autant plus qu’elle ne pardonnait pas facilement. Sa fille aînée, lady Godolphin, devenue duchesse de Marlborough à la mort de son père, s’éloigna d’elle pendant longtemps et ne fut réconciliée que par une douleur commune, la mort du jeune lord Godolphin, que sa grand’mère aimait tendrement ; car elle avait un cœur, malgré tous ses défauts de caractère, cette altière duchesse, et une fatalité douloureuse voulut que la mort lui ravît presque tous ceux de sa famille qu’elle préférait. Nous avons vu ce qu’elle pensait de sa dernière fille, la belle et brillante duchesse de Montagne, la seule qui lui survécut. Des enfans de sa bien-aimée lady Sunderland, l’aîné, Robert, qu’elle affectionnait particulièrement et qui s’en montrait digne, lui fut enlevé en 1729 : « Il est cruel, écrivait-elle à lady W. Montagne, de perdre si prématurément un jeune homme de tant de valeur, un membre de la seule branche de ma famille dont je pouvais espérer quelque consolation. Vous êtes bien bonne de vous préoccuper de ma santé ; elle a résisté à tant de chagrins qu’évidemment rien ne me tuera, en dehors de la maladie et des médecins. »

Cette partie de sa famille dont elle espérait des consolations ne les lui apporta pas et se montra fort ingrate, à l’exception de la plus jeune fille de lady Sunderland, lady Diana Spencer.

Son frère, Charles Spencer, hérita plus tard du titre de Marlborough et mérita la colère de sa grand’mère par ses désordres de toute nature ; sa sœur, lady Anne Bateman, assez peu estimable elle-même, envenima les querelles, d’abord en lui faisant épouser la fille d’un ennemi déclaré de lady Marlborough, puis en favorisant l’étroite liaison de son frère avec Henri Fox, dont l’immoralité encourageait celle de l’enfant prodigue. « Le renard a gagné mon oie, » s’écriait l’aïeule outragée. (On sait que fox signifie renard en anglais.) Afin de sauvegarder la fortune très menacée de son petit-fils, la duchesse en appela aux tribunaux et vint, au grand amusement de la société anglaise, plaider elle-même sa cause avec l’aplomb et l’adresse d’un avocat de premier ordre. « Eh quoi !