Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 53.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dès l’instant où l’Angleterre avait pris la résolution d’agir, il est clair que tout ce qui se passait à Constantinople, à la conférence ou dans les conseils du sultan, perdait un peu de son intérêt au bruit du canon retentissant dans la vallée du Nil. Où en est-elle aujourd’hui cette conférence européenne réunie à Constantinople pour dénouer les complications égyptiennes ? Elle semble s’être mise d’elle-même au repos ou en disponibilité ; elle en est restée à ses premières délibérations, à ses propositions sur la protection commune du canal de Suez ou sur l’intervention turque, à tous ces actes assez platoniques, dans tous les cas dépassés par les événemens, et elle ne se réunira plus désormais probablement que lorsque la guerre aura créé une situation nouvelle où l’intérêt européen retrouvera l’occasion et le droit de se faire entendre. D’un autre côté, où en est cette éternelle convention militaire qui se négocie depuis quelques semaines entre la Turquie et l’Angleterre, qui est destinée à régler les conditions de l’intervention ou de la coopération ottomane ? Quel sera le contingent turc ? Où débarquera-t-il ? Dans quelle mesure sera-t-il libre de conduire ses opérations ? Que devient la proclamation exigée avant tout du sultan contre le chef de l’insurrection égyptienne ? La question est pendante entre l’ambassadeur britannique, lord Dufferin, et les ministres turcs. On y a mis le temps, et pendant que la convention anglo-turque se négocie, pendant que la conférence s’efface, les événemens se heurtent sur les bords du Nil. Avec l’arrivée du commandant supérieur de l’expédition, sir Garnet Wolseley, les opérations sérieuses ont commencé contre le chef audacieux, Arabi, qui ne paraît nullement disposé à rendre les armes, qui semble au contraire résolu à se défendre jusqu’au bout dans les positions où il a retranché son armée. Tandis qu’une division anglaise établie à Ramleh entre Alexandrie et Aboukir retient une partie des forces d’Arabi et qu’une autre division de l’Inde, arrivée à Suez, remonte le canal et le chemin de fer du Caire, sir Garnet Wolseley lui-même, dissimulant habilement ses projets, a débarqué à l’improviste et s’est avancé jusqu’à Ismaïlia. Autrefois, en 1798, le général Bonaparte, débarquant à Alexandrie, allait droit sur le Caire, où il arrivait en quelques jours, après avoir livré la bataille des Pyramides, et d’où il rayonnait dans les autres parties de l’Egypte. Les conditions de la guerre ont changé avec les circonstances. Aujourd’hui sir Garnet Wolseley s’est proposé visiblement de suivre un autre plan, d’aller chercher une forte base d’opérations sur le canal de Suez pour marcher de là sur le Caire en tendant à déborder et à envelopper l’armée d’Arabi. Il y a eu déjà quelques affaires sérieuses, et les soldats anglais ont sans doute encore plus d’un combat à livrer, plus d’une difficulté à vaincre.

Ce système d’opérations adopté par les Anglais impliquait évidemment