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les monts-de-piété[1], l’établissement de bureaux d’informations pour les travailleurs cherchant du travail, l’extension du système des assurances mutuelles sur une vaste échelle par l’initiative de l’état et des communes, de manière à conjurer les désastres matériels les plus fréquens et les plus graves; les colonies, destination naturelle de tout citoyen valide qui n’a pas de profession et qui se met par la mendicité ou le vagabondage eu état de légitime suspicion à l’égard de tous; enfin l’encouragement et l’accroissement des associations particulières dans la grande association de l’état. La vraie bienfaisance est celle qui encourage, non la paresse, l’imprévoyance et la dégénérescence de la race, mais le travail, l’économie, le progrès moral et physique des générations[2].

  1. Telles sont les banques populaires de l’Ecosse et de l’Allemagne. Sur les moyens de combiner leurs avantages, voir l’excellent travail de M. Coste, couronné au concours Pereire, p. 285-305. Une banque importante du travail et de l’épargne vient de se fonder à Paris, sous le nom de Caisse centrale populaire. Elle fait des avances aux sociétés coopératives; neuf ont été constituées par ses soins, dix sont en voie de formation ; trois sociétés anciennes ont trouvé chez elle l’appui dont elles avaient besoin.
  2. Si l’on veut constituer un premier capital, le plus difficile de tous à acquérir pour l’ouvrier, pour l’artisan, pour le petit commerçant, un des meilleurs moyens est le développement des sociétés coopératives. Celle de Roubaix, qui borne cependant ses opérations à la boulangerie, est arrivée à distribuer à ses membres, en 1875, 10 pour 100 du montant de leurs achats, et 16 pour 100 en 1880. En 1879, elle a vendu à ses associés pour 190,000 francs de pain et leur a donné sur ses bénéfices nets une somme de 30,000 francs, après avoir porté 7,700 francs à sa réserve. Une société coopérative de consommation transforme en instrument d’économie les dépenses auxquelles nul ne peut se soustraire ; elle en fait un moyen d’épargne quotidienne et inconsciente; de charges inévitables elle tire pour ses participans un capital certain. La société de Roubaix poursuit aujourd’hui un nouveau but : rendre ses sociétaires propriétaires de leur habitation, sans aucun déboursé de leur part; il suffit pour cela de quatorze ou quinze années : on économise une maison sur sa consommation, on devient propriétaire en mangeant. De plus, la société assure ses membres contre l’incendie de leur mobilier jusqu’à une valeur de 500 francs, moyennant 37 centimes par an, « deux chopes de bière. » La société alimentaire de Mulhouse fournit trois repas par jour aux femmes pour 35 centimes et aux hommes pour 65 centimes. Le fourneau économique d’Isaac Pereire donnait un repas complet dont le prix de revient était 25 centimes. La société alimentaire de Grenoble arrive à des résultats non moins remarquables. De même pour la société d’épargne de Saint-Remy, à Bordeaux. (Voir M. Coste, Ibid., p. 19 et suivantes.) Notre sol devrait, comme on l’a dit, être couvert d’associations de ce genre, mais, faute de fonds suffisans, ces sociétés ne peuvent se constituer ou échouent. La société même de Roubaix n’a été sauvée par deux fois de la ruine que par des avances exceptionnelles dues à la générosité de simples particuliers. L’état ne pourrait-il pas, dans des circonstances analogues, venir au secours des sociétés méritantes ? Ou a demandé avec raison qu’une faible partie des fonds de nos caisses d’épargne fût consacrée, en principe, à subventionner des sociétés coopératives et que, par un mécanisme quelconque, les économies des travailleurs fassent centralisées pour aider spécialement les œuvres miles aux travailleurs. Rappelons aussi qu’on a proposé de faire des emprunts publics pour les œuvres philanthropiques en leur réservant le privilège des valeurs à lots.