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tous les degrés, il est, parmi ceux qui semblaient entre tous appelés à goûter toutes ces merveilles, il est de fort honnêtes gens qui ne sont jamais entrés au Louvre, hors peut-être un jour de pluie pour se mettre à l’abri. Que le nombre de ceux qui poussent jusque-là l’indifférence ne soit pas très considérable, je l’admets encore ; mais beaucoup de ceux qui protesteraient si l’on faisait mine de les comprendre dans cette catégorie ne sont pas, à tout prendre, beaucoup plus intelligens et plus curieux. Ils ont la conscience tranquille parce qu’une fois, au temps jadis, ils ont, d’un pas rapide, fait le tour du Louvre et regardé d’un œil distrait quelques tableaux et quelques statues. Cela leur suffit ; ils se croient maintenant pour toute leur vie quittes envers l’art et en règle avec le Louvre. Vous les entendrez affirmer qu’ils connaissent fort bien le musée ; s’ils n’y vont pas plus souvent, c’est que les galeries n’ont plus de secrets pour eux et qu’ils n’ont plus rien à y apprendre.

Nous ne risquons donc rien à venir, plus d’un an après que les objets ont été pour la première fois exposés, parler ici des monumens que M. de Sarzec a découverts dans la basse Chaldée, de 1875 à 1880, et qu’il a cédés au Louvre en 1881. Nous n’avons pas à craindre que l’on ait vu trop souvent les figures qui feront le sujet de cette étude et que l’on en soit comme rebattu ; ce que nous redouterions plutôt, c’est qu’on ne se soit même pas dérangé pour aller leur souhaiter la bienvenue. Notre tâche serait plus facile si nous étions fondés à croire que la plupart de ceux à qui s’adressent ces pages ont regardé avec quelque attention les originaux dont nous essaierons de définir les caractères ; mais, dussions-nous renoncer à compter sur cette coopération du lecteur et sur le secours que nous prêteraient ses impressions personnelles, nous n’en tenterons pas moins de montrer quelle a été l’importance de cette découverte et quel est l’intérêt historique de ces monumens.

Sans doute, cette acquisition ne suffit point pour mettre notre galerie orientale au niveau du Musée britannique ; on est incomparablement plus riche à Londres. Les premiers monumens assyriens que l’on ait vus en Europe, c’est au Louvre, grâce aux fouilles de Botta, que l’on est venu les étudier et les admirer ; mais ici, comme sur bien d’autres terrains, nous n’avons pas su continuer ce que nous avions si brillamment commencé ; après avoir ouvert la voie, nous nous y sommes laissé dépasser par ceux qui n’y étaient entrés qu’à notre suite. Depuis longtemps, la collection assyrienne du Louvre ne s’était que bien lentement accrue, tandis qu’après M. Layard toute une série d’explorateurs hardis et persévérans ne cessaient pas de sonder et de fouiller, pour le compte du Musée britannique, toutes les ruines de la Chaldée et de l’Assyrie. Du fait