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consolider l’œuvre de l’unité nationale, pour remédier aux déficits à défaut d’autres recettes. Depuis trois ans que les questions fiscales sont à l’ordre du jour, aucune n’a passionné le pays entier autant que le monopole du tabac. La revision du tarif douanier n’a pas soulevé, il s’en faut de beaucoup, une agitation comparable. Cela tient à la multiplicité des intérêts en jeu, intérêts de nature diverse, où la politique prime les intérêts de l’industrie privée et le point de vue purement économique. Dans les réunions publiques et dans la presse, l’introduction du monopole de l’état pour la tabrication et la vente du tabac a été agitée avec une ardeur, une vivacité, une insistance dont on ne se fait pas une idée. Gouvernemens, assemblées représentatives, corporations industrielles, chambres de commerce, comices agricoles en ont été saisis tous ensemble pour en débattre les avantages ou les inconvéniens. A la suite d’une enquête faite en 1878 par le gouvernement de l’Empire, le Reichstag a remplacé l’ancien impôt sur les surfaces cultivées par des droits sur les quantités de tabac récoltées ou vendues. Ces droits figurent pour 11 millions sur les recettes de l’exercice courant, produit auquel il faut ajouter 30 millions de droits de douane sur l’importation de tabac étranger. Les droits en vigueur s’élèvent à 85 marcs par 100 kilogrammes de tabac étranger, à 45 marcs sur la production de tabac indigène. Cette dernière taxe est payable par les acheteurs sous la garantie des planteurs. Un rendement annuel de 40 a 44 millions au maximum des droits sur le tabac en Allemagne, reste bien au-dessous du bénéfice de l’état sur la même matière en Autriche, en Italie, en Angleterre, en Amérique, en France. L’enquète allemande sur le tabac porte à l,644,378 quintaux la quantité de tabac sortie des fabriques du Zollverein dans le courant de l’année 1877, pour une valeur de 299,365.000 marcs, tandis que la statistique de l’Empire évalue au prix de 312,966.000 m. la consommation de la même année, pour une quantité de 1,648,677 quintaux. Admettons que l’exportation atteigne 150,000 quintaux, moyenne des dix dernières années, il reste tout au moins un total de 1 million ½ de quintaux consommés dans le pays, sans compter le mélange de succédanés. Cela porte à 1,540 grammes par tête et par an la consommation des Allemands, en regard d’une consommation moyenne de 800 grammes seulement par sujet français. Si l’on considère que l’emploi du tabac n’a pas cessé de s’accroître en France, malgré le rehaussement successif des prix, il n’y a pas lieu de s’étonner de la predilection du prince de Bismarck, pour cette source de revenus. Pour ne pas effaroucher les contribuables par le projet de loi sur le monopole présenté au Reichstag, l’exposé des motifs promettait de maintenir à peu près les prix actuels en se contentant d’un revenu net annuel de 163 millions. Précaution super-