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on pourrait prétendre, à la rigueur, que l’art, dans son développement, n’a pas suivi partout la même marche, d’un bout à l’autre de cette vaste contrée ; on pourrait supposer que, pur l’effet de causes qui nous échappent, il s’est trouvé, sur tel ou tel point du territoire, en retard ou en avance sur ce qu’il était, à la même heure, dans d’autres parties de la Mésopotamie. Ce qui, bien plus sûrement, fixe l’âge relatif de ces monumens, ce sont les textes qui y sont partout gravés, c’est le caractère des signes dont se composent ces longues inscriptions. Que les assyriologues soient encore loin de s’être mis d’accord sur la valeur de ces signes et sur le sens des idées qu’ils expriment, qu’ils discutent pour savoir si ces textes sont rédigés en langue sumérienne ou en langue assyrienne, peu importe ; ce qui est certain, c’est que nous avons partout ici l’écriture chaldéenne sous sa forme la plus ancienne, ou du moins dans l’état le plus ancien que les monumens nous permettent d’atteindre. Comme celle de l’Égypte, cette écriture ne fut, à son début, qu’une série d’images, représentation abrégée et conventionnelle des objets les plus familiers à l’œil et à la pensée. Le principe en était le même que celui des hiéroglyphes égyptiens et des plus anciens caractères chinois. Nous ne possédons plus de textes écrits tout entiers en images ; mais nous en avons, et ceux de Telle sont du nombre, où certains de ces idéogrammes ont encore conservé quelque chose du dessin primitif ; on arrive parfois à y reconnaître l’objet dont ils sont la figure. Avec le temps on voulut aller plus vite ; le scribe, avec l’arête aiguë de son style, cribla de petits coups vifs et pressés la tablette d’argile qui lui servait de papier, et l’écriture devint cunéiforme, c’est-à-dire qu’elle fut uniquement composée de ces traits en forme de coin, de clou ou de tête de flèche, comme on voudra les appeler, qu’a présens à la mémoire quiconque est entré dans les salles assyriennes du Louvre. Lorsqu’ont été façonnés les bas-reliefs et les statues de Sirtella, maints caractères étaient déjà constitués par cet élément ; mais d’autres présentent encore un tracé continu ; ce sont des triangles, des losanges ou des rectangles plus ou moins compliqués. Bien des générations se sont sans doute déjà succédé sur les tendes rivages des deux grands fleuves sacrés depuis que les lointains ancêtres ont inventé ce système de signes. L’écriture chaldéenne n’est déjà plus à l’état naissant ; elle commence à se modifier ; elle se prépare à devenir cursive ; mais elle est certainement bien plus éloignée de ses origines qu’aux temps où les scribes assyriens remployaient à raconter les exploits de leurs anciens conquerans, des Téglath-Phalasar et des Assournazirpal. Entre les deux formes, entre les deux états de l’écriture chaldéo-assyrienne que nous rencontrons l’un à Warka et à Tello, dans la Basse-Chaldée, et l’autre à Nimroud en Assyrie, il y a peut-être quatre ou cinq