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date, ne peuvent être séparés de ceux de l’Assyrie. Il nous reste à montrer que ces figures nous permettent enfin de remonter à l’enfance même et à la jeunesse d’un art dont nous ne connaissions jusqu’ici que l’âge adulte ou plutôt la vieillesse. Nous possédons aujourd’hui des faits qui nous permettent d’affirmer ce que hier encore nous ne faisions que soupçonner vaguement, ce que suggéraient, à titre d’hypothèse, l’analogie et l’induction.

Il a été trouvé, dans les ruines de Telle, des monumens d’époques très différentes ; mais on peut négliger, comme ayant leurs analogues ailleurs, tous ceux qui appartiennent au temps des successeurs d’Alexandre et même ceux que l’on peut attribuer à la période de la domination perse et du second empire chaldéen. Ce qu’il y a ici de plus intéressant, ce sont les trois groupes les plus anciens, ceux qui nous reportent à ces siècles innomés, dont nous pouvions croire l’œuvre détruite et disparue sans retour.

Un premier groupe se compose de trois fragmens d’une grande stèle de pierre blanche couverte sur ses deux faces d’inscriptions et de bas-reliefs. Ceux-ci représentent d’étranges scènes de guerre et de funérailles. Ici ce sont des troupes de vautours qui emportent des têtes et des membres humains ; là sont couchés à terre des cadavres entassés sur lesquels montent des hommes vêtus d’un jupon court qui portent dans des corbeilles, soit les offrandes funéraires, soit la terre même du tumulus. Sur un autre débris on distingue la tête de personnages coiffés du bonnet à double corne, qui se rencontre si souvent sur les cylindres ; ils tiennent une sorte d’enseigne militaire en forme d’aigle éployée. C’est là, dans les textes qui accompagnent ces images, que, l’écriture paraît le plus éloignée des types auxquels elle aboutira et où elle se fixera le plus tard ; c’est aussi là que l’on se sent le plus rapproché des premiers essais de la plastique : « Partout l’inexpérience se trahit dans le dessin des figures ; l’œil est presque triangulaire et l’oreille rudement indiquée ; le nez aquilin est confondu avec le front par une seule courbe, le profil dit sémitique est encore plus accentué ici que dans les monumens de l’âge suivant[1]. » M. Heuzey fait observer qu’un type presque semblable se retrouve dans quelques maquettes de terre cuite de l’île de Chypre et dans une classe de petites figures de bronze qui ont servi d’appliques et d’ornemens à des vases de style oriental très prononcé ; ces figurines, dit-il, ont été rencontrées en Italie, notamment dans la dernière trouvaille de Palestrina. Ces rapprochemens, sur lesquels il se garde d’ailleurs d’insister, ne nous paraissent pas avoir une grande valeur. On peut comparer deux styles d’art, c’est-à-dire deux de ces interprétations que l’esprit

  1. Heuzey, les Fouilles de Chaldée, p. 16.