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la côte, bien qu’ils reçoivent des traitemens fort convenables, ont gardé le droit de faire le commerce et en usent largement. Attachés presque tous entre eux par les liens de la parenté ou par les relations d’affaires, ils n’exercent pas les uns sur les autres une surveillance bien étroite, et les collecteurs de la province qui se trouvent si loin d’inspecteurs si indulgens, demeurent soumis à de grandes tentations.

Ensuite, cette commission qui perçoit tous les revenus du pays, non-seulement ceux qui servent à payer le coupon, mais encore ceux qui sont consacrés à l’administration de la régence, à la liste civile du bey, cette commission de laquelle les caïds des tribus et des villes, leurs khalifas, les cheiks, tous les fonctionnaires arabes, relèvent en raison de leur rôle de collecteurs, est, comme on pense, une véritable puissance dans l’état. La régence qui devrait être dans nos mains, puisque nous avons charge de la défendre, se trouve placée en réalité dans les siennes. Aucune décision d’importance ne saurait être prise sans qu’elle puisse, si elle veut y trouver à redire, y mettre son veto. C’est elle qui décide si le bey aura une frégate et qui détermine aussi combien il paiera son cuisinier. En réalité, pendant que le bey règne, c’est elle qui gouverne. Or, quelle est notre part d’influence dans la commission? Nous y sommes en minorité. Dans le comité de contrôle qui approuve ou rejette toutes les mesures ayant un caractère financier, il y a deux Français, deux Anglais et deux Italiens ; or ces quatre derniers sont quatre Israélites de Tunis, qui naturellement votent toujours ensemble et qui, avec l’appui de leurs consuls et l’aide de leurs gouvernemens, pourraient, le jour où bon leur semblerait., sur un mot d’ordre, empêcher n’importe quelle réforme que nous aurions décidée.

Il n’y a qu’un moyen de sortir d’une situation si peu en rapport avec l’état présent de la régence, c’est de racheter la dette à notre compte. On n’a pas assez remarqué chez nous que le rachat de la dette ne serait pas une charge pour l’état. En effet, supposons que, pour rembourser cette dette nous empruntions nous-mêmes. Nous aurons l’argent à 4 pour 100 au plus. Nous serons en revanche substitués à la commission financière en Tunisie, et nous percevrons à sa place les revenus du pays. Or, si l’on prend la moyenne des coupons payés par la commission depuis onze ans qu’elle existe, on verra qu’elle a versé aux créanciers 4.73 pour 100 par an. C’est donc, au pis-aller, en supposant que nous ne parvenions même pas à améliorer le régime de la commission, non pas une perte que l’état aurait à supporter, mais un gain assuré de 73 cent, pour 100 dont il bénéficierait. Et non-seulement les puissances étrangères ne pourraient pas voir cette mesure d’un mauvais œil, mais au contraire ce serait une de celles qui leur rendraient le plus manifestes les avantages de notre occupation. Leurs nationaux en effet seraient, comme