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son conseil. Il affirma effrontément n’avoir jamais dépassé avec Françoise de Rohan les bornes d’une amitié respectueuse et d’une honnête familiarité. Au mois de mars 1556, lors de son départ pour l’Italie, c’est Françoise elle-même qui, pour ne pas écarter d’autres prétendans, « l’avait prié de déclarer au roi son intention de ne pas l’épouser. » Poursuivant son système de défense, Nemours allégua que Françoise avait, jusqu’à la dernière extrémité, dissimulé sa grossesse et que la reine lui demandant si elle l’en avait prévenu, elle avait fait une réponse négative. C’était s’inscrire en faux contre une lettre écrite par lui d’Italie, que Françoise avait entre ses mains et où il disait : « J’ay bien d’espérance de vous trouver bien rebondie, car il y a deux mois au moins que votre serviteur n’est pas auprès de vous pour vous faire veiller le soir. Je vous supplie, ne vous serrez point, car cela vous feroit mal. Si je pensois que vous eussiez quelque opinion pareille à celle que vous aviez pensé sans raison de moi l’autre jour, je vous supplierois de la perdre. Ne me donnez plus de ces alarmes que vous m’avez données, car vous serez occasion que je perdrois la vie. » Le duc ne se borna pas à ces cruelles dénégations. Opposant des témoins à des témoins, il eut la hardiesse de faire citer Catherine de Médicis, Marguerite de France, le cardinal de Lorraine, le connétable de Montmorency, Mme la connétable, Diane de Poitiers et le grand chirurgien Ambroise Paré.

Le mardi 1er août 1559, Étienne Dugué et Florent Regnard se rendirent au château de Saint-Germain ; ils furent introduits à onze heures du matin dans les appartemens privés de Catherine de Médicis. Catherine, au lendemain de la mort de Henri II, la tête enveloppée dans un grand voile noir qui lui couvrait tout le visage, avait eu grand’peine à se faire entendre, l’ambassadeur de Venise, reçu par elle, en avait fait la remarque ; mais l’énergie lui était revenue ; elle entendait prendre sa part du pouvoir. François II avait déclaré tout d’abord que c’était à sa mère à diriger les affaires du royaume, mais, tout en conservant vis-à-vis d’elle une respectueuse déférence, les Guises avaient retenu toute l’autorité. Pour les rendre plus accommodans, Catherine avait donc un intérêt puissant à ménager le duc de Nemours, devenu leur allié par le mariage de sa sœur avec un prince de leur maison et leur plus dévoué partisan. Dictée par les exigences de sa propre situation, sa déposition fut accablante[1]. Le feu roi Henri II lui aurait dit, à Blois : « Les propos de mariage entre le duc et Françoise ne sont pas tels qu’on les a rapportés ; le duc m’a répété maintes fois qu’il vouloit attendre pour se marier d’être sorti de ses affaires. » Elle ajouta qu’elle avait redit ces paroles

  1. Bibl. nat., fonds français, no 3169.