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pour les enfans, sous la conduite d’un excellent guide, qui consacre à la surveillance de ces écoles une partie de son temps et de son argent.

Le pénitencier de Cherry Hill, ou Eastern Penitentary, jouit d’une certaine célébrité dans le cercle assez restreint de ceux qui s’occupent en France des questions pénitentiaires. Il a été visité en 1831 par MM. de Tocqueville et de Beaumont et a fourni en grande partie les matériaux du célèbre rapport de M. de Tocqueville sur le système cellulaire. C’est là, en effet, que ce système a été pour la première fois mis en pratique, peut-être avec certaines exagérations, qui n’ont pas peu contribué à la réaction sous laquelle ce système avait en partie succombé avant d’être rétabli par une loi récente. Non-seulement on isolait les condamnés de leurs compagnons de vice, ce qui est une excellente mesure, mais on rendait aussi rares que possible leurs relations avec tous les êtres humains, croyant (et là était l’erreur) que la solitude a par elle-même une influence moralisante sur les natures gangrenées. retour des choses et décadence des systèmes! Non-seulement on s’est aujourd’hui, et avec raison, relâché de ces rigueurs au pénitencier de Cherry Hill, mais on a introduit dans l’application de l’emprisonnement cellulaire des adoucissemens qui feraient frémir l’administration pénitentiaire française, avec son goût et son culte pour l’uniformité. C’est ainsi qu’on laisse les prisonniers fumer et chiquer, recevoir des journaux, introduire des meubles du dehors, et orner les murailles de leurs cellules de gravures et de photographies. Passe pour tout cela, — cela n’entraîne pas grands inconvéniens, — mais n’est-ce pas aller un peu loin que de mettre de préférence les récidivistes dans les cellules qu’ils ont déjà habitées, afin qu’ils puissent y continuer les travaux artistiques commencés par eux? Ainsi a-t-on fait en particulier pour un vieil Allemand, qui en est à sa quatrième ou cinquième condamnation et qui a décoré du haut en bas sa cellule favorite de fresques assez grossières. Dickens avait déjà vu cet homme dans sa cellule lors de son voyage de 1842, où il subissait alors un premier emprisonnement de cinq ans, et voici en quels termes il en parle : « Impossible d’imaginer une créature plus misérable et plus brisée. Je n’ai jamais eu devant les yeux le spectacle d’une pareille affliction et d’une pareille détresse. Mon cœur saignait pour lui, et lorsque, les joues couvertes de larmes, les mains agitées par un tremblement nerveux, il s’attachait aux vêtemens de l’un de nous en lui demandant si on ne lui ferait pas remise du restant de sa peine; c’était un spectacle dont l’impression était véritablement trop pénible. » Admirez la puissance d’imagination des romanciers! Cet infortuné qui demandait si on ne lui ferait pas remise du montant de sa peine en est aujourd’hui à sa cinquième condamnation subie dans