Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 53.djvu/780

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’état les sommes qu’il leur a avancées depuis 1865 à titre de garanties d’intérêt. Les lignes algériennes ne sauraient faire de même dans un temps prochain, parce que leur réseau est trop neuf et qu’elles manquent des puissantes artères qui sont si productives pour les compagnies françaises. Néanmoins, nous croyons assez connaître les phénomènes économiques pour affirmer qu’un jour, dans dix ou douze ans, la plupart des lignes algériennes aujourd’hui exploitées n’auront plus à recourir à la garantie de l’état et que plusieurs même peut-être dans ce laps de temps ou peu après pourront lui faire quelques remboursemens. Les sacrifices de l’état doivent donc être considérés comme temporaires. Si le régime de la garantie d’intérêt est pour lui moins rapidement fructueux en Algérie qu’il ne l’a été sur le continent, il ne sera pas la source de dépenses indéfinies. Déjà le rendement des lignes est assez satisfaisant. En laissant de côté les 189 kilomètres de la ligne tunisienne de la Medjerdah, nos 1,122 kilomètres de chemins de fer algériens exploités en 1880 ont produit une recette totale de 11,777,000 francs, soit plus de 10,000 francs par kilomètre. Parmi les chemins de fer que nous construisons aujourd’hui en France combien s’en trouve-t-il qui donnent cette recette brute ? Pas un sur dix ; la plupart n’arrivent pas aux deux tiers de ce rendement. Ainsi les chemins de fer algériens ont une productivité supérieure à celle de la généralité des voies ferrées que l’on construit depuis plusieurs années dans la France continentale. Plusieurs de ces lignes feraient honneur à notre second réseau d’ancienne création : le tronçon de Philippeville à Constantine, par exemple, qui produit 22,000 francs par kilomètre, le Tlélat à Sidi-bel-Abbès qui atteint 18,000 francs ; Alger à Oran arrive à 13,000 francs et Bône à Guelma sur son ancienne ligne à près de 10,000. Dans sept ou huit ans, quand les chemins aujourd’hui projetés auront été exécutés, il est assez vraisemblable que la recette brute des chemins actuels, mieux reliés les uns aux autres et pourvus des prolongemens nécessaires, atteindra 14 ou 15,000 francs en moyenne par kilomètre. Le réseau des chemins de fer méridionaux de l’Italie ne fournit pas davantage, et les 1,350 kilomètres du réseau calabro-sicilien sont aujourd’hui même moins productifs que les chemins de fer d’Algérie.

Cette étude rapide des progrès de notre colonie nous entraînerait trop loin si nous voulions tout énumérer. Les communications intellectuelles n’ont pas été plus négligées que les voies de transport. On y compte 290 bureaux de poste ou de télégraphe : les localités qui jouissent de l’un et de l’autre services sont au nombre de 227. Cependant, c’est encore de ce côté qu’il est le plus nécessaire d’effectuer de promptes améliorations. Les colons et surtout les résidens étrangers se plaignent de ce que les