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La meilleure solution serait cependant de renoncer absolument à la colonisation officielle: celle-ci n’est plus en Afrique qu’un élément de désordre, de gaspillage et d’insécurité. Le mouvement des passagers dans les ports d’Algérie a témoigné d’un excédent de 23,304 arrivées sur les départs en 1879 et de 17,436 en 1880. Sur ces 40,000 personnes qui se sont fixées dans notre colonie en ces deux années, les colons officiels, d’après la statistique administrative, ne sont qu’au nombre de 2,243, le vingtième seulement. La colonisation officielle n’est plus qu’une goutte d’eau, et une goutte d’eau impure, qui risque de corrompre et de mettre en danger toute la colonie. C’est par d’autres moyens que la population rurale européenne peut et doit s’accroître : par l’achat à l’amiable de terres aux indigènes et par le morcellement, la culture plus intensive des vastes espaces que possèdent déjà les Européens. C’est une grande erreur de croire que l’on ne puisse pas, sans recourir à l’expropriation, acheter des terres aux Arabes et aux Kabyles. Les transactions de cette nature sont nombreuses. De 1875 à 1878, l’état a concédé 95,000 hectares de terres; dans la même période, les colons ont acheté aux indigènes 84,640 hectares. Ce dernier chiffre tend à grossir. En 1879, les Européens ont acheté aux musulmans 18,129 hectares de terres et 40,143 en 1880. Comme les ventes faites par les Européens aux musulmans ou aux juifs sont beaucoup moindres, il en résulte que, dans ces deux années, le domaine des colons s’est accru de 45,000 hectares acquis librement aux indigènes.

Le morcellement s’opère en même temps de plus en plus. Les premiers colons ont créé des propriétés de plusieurs centaines ou de plusieurs milliers d’hectares qu’ils mettaient en céréales ou en pâtures; aujourd’hui, la vigne, l’oranger, les cultures fourragères ou industrielles, permettent une exploitation plus intensive, demandant plus de main-d’œuvre. Les statistiques de l’enregistrement en éprouvent l’influence : non-seulement le produit de cet impôt va toujours en croissant, tandis qu’il commence à faiblir en France, mais encore les mutations sont de plus en plus nombreuses. En 1880, elles ont porté sur 23,348 parcelles au lieu de 19,051 en 1879. «C’est le résultat du morcellement de la propriété, » dit le rapport du secrétaire-général. On calculait jusqu’à ces derniers temps qu’une famille de colons avait besoin pour vivre de 40 hectares environ, cela n’est vrai que dans la première époque de mise en culture; un peu plus tard, surtout avec la culture de la vigne, une superficie quatre ou cinq fois moindre suffit à occuper une famille.

Quand l’œuvre de la constitution de la propriété chez les indigènes sera un peu plus avancée, les transactions libres entre Arabes et