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le Sterling de la Castle line, a parti, disent ses livres de bord, de l’embouchure du fleuve Yantsée, à 42 milles de Shanghaï, le 23 mai, à quatre heures quarante-cinq du matin, est entré dans les docks de Londres le 22 juin, à quatre heures du soir. » Il a donc accompli une traversée d’environ 12,000 milles en vingt-neuf jours vingt-deux heures quinze minutes, c’est-à-dire avec une vitesse moyenne de 17 nœuds en comptant les arrêts, avec une vitesse réelle de 18, et avec une économie de dix jours sur le temps exigé jusque-là.

Dix-huit nœuds, telle est donc à l’heure présente la vitesse que les croiseurs mis aujourd’hui en chantier doivent atteindre et les bâtimens de garde dépasser. Ce chiffre est d’autant moins exagéré que des bâtimens cuirassés en service filent plus de 15 et qu’on attend des cuirassés en construction une vitesse de 17.


IV.

Pas de forte artillerie, pas de cuirasses solides, pas de machines puissantes sans poids et sans espace : à mesure que croissaient les exigences de l’attaque et de la défense, le tonnage des navires devait donc augmenter. Mais il y a deux manières d’être hors de la vérité : ne pas l’atteindre ou la dépasser. En portant jusqu’à 6,000 et 7,000 tonnes la dimension des croiseurs et jusqu’à 12 et 14,000 celle des cuirassés, n’est-on pas sorti des justes limites ? Engloutir dans une seule construction des sommes qui atteignent 25 millions, n’est-ce pas se condamner à réduire de plus en plus l’effectif de ses vaisseaux, et exposer par la perte d’un seul à une diminution trop forte de puissance et de richesse la marine ainsi formée ? Restreindre leurs dimensions, n’est-ce pas multiplier leur nombre sans surcroît de dépense et constituer la force navale de telle sorte qu’elle agisse aussi efficacement si elle se concentre, sur plus de points si elle se disperse, et qu’un événement malheureux de navigation ou de guerre enlève au pays frappé une partie moins grande de sa flotte ? Parmi les plus intéressés à bien juger les navires, ceux qui les montent, beaucoup pensent ainsi : ce qui leur rend suspects les grands navires est le sentiment de la responsabilité. Devant leurs yeux apparaissent tous les devoirs dont est faite l’unité terrible du combat. Gouverner sur l’ennemi, deviner ses projets, éviter son choc, le frapper, saisir dans ces évolutions l’instant propice à l’artillerie, soutenir en même temps que la grande lutte les combats de torpilleurs, mettre à la mer et recueillir les uns, couler les autres à coups de mitraille, être tout entier à toutes ces lâches, diriger le personnel appliqué à chacune d’elles, à travers le déchaînement de tous les périls garder la vision nette du