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JEAN BERNARD

PREMIERE PARTIE.

I.

Le docteur Galpeau dormait. Chaque jour, après son déjeuner et sans quitter la table, il demeurait là, immobile, les yeux clos pendant quelques instans. On le laissait seul ; les portes retombaient doucement et tous les bruits de la maison s’éteignaient.

La vaste pièce antique, au plafond rayé de poutres cannelées, avec ses vieux meubles en chêne, ses tapisseries et ses vitraux de couleur, prenait dans le demi-jour un air de gravité recueillie qui aidait au repos du docteur, il était vieux, les cheveux blancs, très fins et un peu longs, le visage rosé, avec un bon et éternel sourire qui restait sur ses lèvres même dans la détente du sommeil. Rien qu’à le voir ainsi, dans ce milieu et dans ce repos, les mains croisées mollement sur ses genoux et la tête un peu inclinée sur le dossier de sa chaise, on le devinait bon, vénérable et adoré. Mais l’heure passait, et comme le docteur ne faisait jamais attendre ses malades, une régularité de couvent était observée dans la maison. « A chaque moment son œuvre, » disait-il. Le moment du repos avait pris fin : on venait l’éveiller.