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été les derniers à poursuivre le gouvernement de la restauration de leurs violentes attaques pour cette malheureuse indemnité ! Que font-ils cependant aujourd’hui ? Ce qu’ils ont tant reproché à la monarchie traditionnelle, ils le font eux-mêmes dans des circonstances très différentes, sans avoir d’aussi sérieuses raisons, et s’il y a quelque chose de plus étrange que tout le reste, c’est de voir figurer sur les nouvelles listes de pensionnés des noms de sénateurs, de députés, d’hommes qui ont reçu, qui occupent encore des fonctions. Ils ont été pourtant dédommagés, ils sont tout-puissans : que veulent-ils de plus ? A la vérité, un certain nombre de ces bénéficiaires se seraient, dit-on, ravisés et auraient aujourd’hui l’intention de renoncer à la pension qui leur a été attribuée ; ils ne resteraient sur les listes que pour l’honneur. Soit. Mais enfin, à part les questions d’argent que chacun résout comme il l’entend ou comme il le peut, il y a une considération d’une autre nature. Est-ce qu’on ne s’aperçoit pas de tout ce qu’il y a de vain dans ces manifestations à trente ans de distance ? Est-ce que ceux qui se plaisent à réchauffer ces souvenirs du 2 décembre et qui semblent réclamer comme un privilège le droit de figurer parmi les victimes croient être les seuls qui aient souffert de ces événemens déjà lointains ? Est-ce qu’il n’y a pas d’autres partis qui ont été aussi cruellement frappés dans leurs convictions et dans leurs vœux, dans leurs intérêts comme dans leurs espérances, qui ont subi l’exil ou ont supporté la défaite avec dignité sans se rendre ? Comment se fait-il cependant qu’il n’y ait sur ces listes que des républicains ? C’est donc un acte de parti qu’on a voulu accomplir, — et on a certainement réussi, au risque de paraître tout simplement se servir du budget de la France pour faire des générosités intéressées, pour satisfaire la clientèle républicaine. On a fait en cela de la politique de parti ou de coterie, comme on en fait dans la distribution des emplois, comme on en fait dans tout ce qu’on propose, dans tout ce qu’on imagine pour le gouvernement et l’administration du pays.

Il n’y aurait encore que demi-mal, en effet, si ces abus de domination, qui, à vrai dire, sont toujours possibles, si tous ces calculs assez médiocres et passablement intéressés de l’esprit de parti étaient quelquefois rachetés par un certain mouvement d’idées, par une certaine vigueur d’impulsion et d’action dans le maniement des grandes affaires de la France ; mais ce qu’il y a justement de terrible, c’est que le même esprit se manifeste dans les œuvres les plus sérieuses, dès qu’on veut toucher à tout ce qui constitue la puissance morale et matérielle du pays, — et, en dépit de tout ce que peut se promettre M. le président du conseil, ce n’est malheureusement pas le ministère qui paraît destiné à redresser la marche des choses.

Des réformes ! oui, sans doute, on parle souvent de réformes, le cabinet en parle comme tout le monde ; on met des réformes dans tous