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1,200 ont déjà cessé de battre, en attendant que le silence se fasse dans toute la région.

L’industrie du tissage et de la filature de laine, disséminée un peu partout, à Guebwiller, à Mulhouse, à Bischwiller, etc., est dans le même état précaire. Au moment de l’annexion, plus de 7,000 ouvriers y étaient employés et produisaient pour 40,000,000 fr. de tissus ; aujourd’hui les laines filées, comme les laines cardées, ne représentent pas plus de la moitié de ce chiffre. Bischwiller, qui était le centre de la fabrication drapière, autrefois si gaie et si animée, est maintenant morne et silencieuse. Partout, dit M. Grad, des maisons vides, des volets fermés, des cheminées éteintes, partout le travail ralenti ou arrêté. La population décroît, et la propriété est tombée à vil prix. Un tiers des habitans a quitté la localité ; de 11,500 en 1870, il en restait 7,100 en 1874 ; le chiffre des naissances est descendu de 469 à 287 et celui des mariages de 86 à 54. Le nombre des chefs d’établissement est réduit de 96 à 21, celui des ouvriers de 5,000 à 1,800 et le chiffre des affaires de 20 millions à 4 millions de francs.

Autour de l’industrie des tissus se sont groupées comme annexes toutes celles qui en dépendent, ou dont elle dépend elle-même plus ou moins, telles que la fabrication des produits chimiques et la construction des machines. La plus ancienne fabrique de produits chimiques de l’Alsace, en même temps que la plus importante, est celle de Thann, fondée en 1807 par Charles Kestner, et dont le chef actuel est M. Scheurer-Kestner, membre du sénat français. Grâce à l’habileté de la direction et à la bonne installation des appareils employés, ses produits jouissent d’une excellente réputation et sont appréciés pour leur pureté et la constance de leur titre. C’est l’acide sulfurique qui en forme l’article principal, puis viennent l’acide chlorhydrique, l’acide acétique, les sels de soude, de plomb, de cuivre et de fer, le chlorure de cuivre et le chlorate d’ammoniaque. Année moyenne, la fabrique de Thann emploie 400 ouvriers et livre au commerce 10,000 tonnes de produits chimiques d’une valeur de 3 millions de francs. Une partie de ces produits trouve encore à s’écouler vers le marché français.

À Bouxwiller, dans le Bas-Rhin, il existe un établissement produisant du vitriol et de l’alun ammoniacal pour environ 2 millions de francs par an ; à Lobsann et à Pechelbronn sont des mines de pétrole ; enfin, à Mulhouse, plusieurs maisons s’occupent de la fabrication des couleurs pour les manufactures d’impressions. L’amidon, la glucose, les gommes artificielles, constituent une autre classe des industries chimiques dont l’importance qui, avant 1870, était de 13 millions de kilogrammes, se trouve aujourd’hui réduite à 7,500,000 kilogrammes.