Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour montrer sa bonne volonté, il nomma de nouveau M. Fould ministre des finances. Avons-nous besoin d’ajouter que les choses continuèrent, à peu près, comme par le passé ? On fit bien un sénatus-consulte pour empêcher les viremens d’un ministère à l’autre, ce qui était en effet la source de beaucoup d’abus. Ou limita aussi la faculté d’ouvrir des crédits extraordinaires. Mais l’élan était donné, on ne put pas arrêter l’augmentation des dépenses ; seulement, pour celles qui avaient un caractère extraordinaire, on en fit l’objet d’un budget spécial, qu’on pourvut également de ressources spéciales. Ces ressources n’en sortaient pas moins de la bourse du contribuable, comme les autres : la régularité n’était qu’apparente, et, au fond, la situation restait la même.

On peut en dire autant de l’état des choses actuel que nous a révélé au commencement de l’année l’honorable M. Léon Say. Comme en 1861, chacun était frappé du développement considérable de la prospérité publique, de l’augmentation incessante du produit des impôts qui se traduisait chaque année par une plus-value de 100 à 150 millions. Il semblait qu’avec de pareilles réserves on pouvait tout se permettre, et dépenser beaucoup sans y regarder. On dépensa en effet beaucoup et sous toutes les formes, et on trouva encore moyen de proposer des dégrèvement ; enfin on tenait la solution de ce fameux problème qui, à la satisfaction de tout le monde, consiste à augmenter la dépense et à diminuer les recettes. La république seule pouvait arriver à un tel résultat : elle n’avait eu qu’à toucher le sol de sa baguette magique et des Îlots de richesse en avaient jailli. Aussi fit-on les rêves les plus brillans. On dota l’instruction publique de sommes considérables ; on créa des caisses de subvention ou de secours pour toute espèce de choses ou d’individus, on ouvrit un crédit de 500 millions pour les chemins vicinaux, de 300 millions pour les écoles, on augmenta les traitemens, les rentes viagères ; enfin, pour couronner l’œuvre, on mit en avant un fameux plan de travaux publics, dit plan Freycinet, et qui consistait à dépenser 7 milliards en moins de dix ans. Voilà quels furent les rêves qu’on fit sous l’influence d’une richesse qui paraissait n’avoir pas de bornes. Heureux pays de France ! il allait donc enfin satisfaire tous les besoins, j’allais dire tous les appétits, et l’âge d’or n’était plus en arrière dans le passé, il était en avant et dans un avenir prochain, on y touchait. Mais voilà encore que, comme un rideau qui s’abaisse sur un tableau enchanteur, la réalité nous apparaît toute différente. Nos ressources sont épuisées, dit M. Léon Say, et engagées pour plusieurs années, nous n’avons plus rien de disponible, et si nous voulons continuer dans la voie où nous sommes, il nous faudra recourir à l’emprunt. Or l’emprunt lui-même n’est déjà plus aussi facile ; le dernier qui a été contracté,