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l’amortissement consiste à rembourser les obligations qui arrivent à échéance et il n’y a rien pour la réduction de la dette perpétuelle. On a pensé que c’était suffisant et on aurait plutôt trouvé que c’était trop. M. Léon Say, pour justifier la réduction qu’il proposait dans les remboursemens à faire en 1883, a dit dans son premier discours à la chambre des députés, que la guerre de 1870 et les dépenses qui en ont été la suite avaient coûté à la France 11 milliards 1/2, et que cependant notre dette publique ne s’était accrue que de 10 milliards, d’où la conséquence que nous aurions amorti 1 milliard 1/2 en dix ans, et il semblait résulter de ces paroles que nous avions fait sous ce rapport tout ce que nous devions faire. On peut déjà répondre que, si nous avons amorti en dix ans 1 milliard 1/2, nous sommes en train de perdre, et au-delà, le bénéfice de cet amortissement, car il nous faudra emprunter de nouveau, pour continuer les grands travaux d’utilité publique qui font partie du programme républicain, et nous aurons bien vite demandé au delà de 1 milliard 1/2. La facilité qu’on a de recourir à l’emprunt, voilà la plaie de notre situation financière ; quand on a des embarras, au lieu de s’appliquer à les résoudre par des mesures d’ordre, soit en réduisant les dépenses, soit en les couvrant par des annuités à court terme, on préfère liquider tout en une fois au moyen d’un grand emprunt, et c’est à recommencer quelques années après. Il est si facile d’emprunter quand on jouit d’un certain crédit ! il y a tant de gens disposés à vous prêter ! On trouve même des financiers qui soutiennent que la théorie de l’épargne est surannée, bonne tout au plus pour des particuliers, mais que les états ont mieux à faire que d’épargner, qu’ils doivent dépenser toujours, seulement en faisant des choses utiles, et qu’ils retrouvent bien vite dans la plus-value de la richesse la compensation de leurs dépenses. Qu’importe que le chiffre de la dette s’accroisse de 2 à 300 millions comme intérêts si vous avez une augmentation de 5 à 600 millions dans les revenus ? C’est une question de proportion. Il n’est pas nécessaire de diminuer le fardeau, il faut seulement augmenter les forces de ceux qui sont appelés à le supporter. Cette théorie n’est pas nouvelle et elle a été souvent mise en pratique. La plupart des gouvernemens se sont appliqués en effet à couvrir leurs dépenses extraordinaires au moyen d’emprunts. Et d’emprunts en emprunts, à travers toutes les crises que nous avons subies, nous en sommes arrivés à une dette de 24 à 25 milliards, en y comprenant la dette flottante et les annuités à terme. C’est la plus grosse qui existe dans le monde. Elle dépasse de beaucoup celle de l’Angleterre et des États-Unis et représente en capital le revenu brut de toute une année qu’on évalue en France à 25 milliards. En présence d’une pareille charge, doit-on dire que tout est bien lorsque le paiement des intérêts est